SEANCE
4 : L’EXECUTION DES MARCHES PUBLICS
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Le Titre IV du code des marchés publics comporte trois chapitres
consacrés à l’exécution des marchés publics. Ce découpage rend mal compte de la
réalité de l’exécution de cette catégorie de contrat. Si la gestion de leur exécution
financière constitue, à l’évidence, une question centrale, elle ne peut être
traitée qu’en parallèle avec l’exécution technique qui, en définitive, la
précède. Le point commun entre les deux réside dans le fait que les régimes
juridiques considérés portent la marque de la puissance publique. Même si
l’exécution des marchés publics n’ignore pas le principe posé par l’article
1134 du code civil, qui dispose que « les
conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites »,
force est de constater que leur régime est profondément marqué par les
prérogatives que l’administration détient, même dans le silence du contrat, en
vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs.
Les règles qui encadrent l’exécution des marchés publics sont également
contenues dans les pièces constitutives du marché (l’acte d’engagement et les
cahiers des charges qui fixent notamment les dispositions techniques
nécessaires à l’exécution des prestations du marché) ainsi que, le cas échéant,
dans d’autres pièces contractuelles. Compte tenu du principe de liberté
contractuelle, les parties au contrat peuvent en effet aménager leurs relations
et leurs obligations, sauf dispositions d’ordre public.
Chapitre
1 : L’exécution technique
Quelles que soient les spécificités des marchés publics, il ne faut pas
perdre de vue qu’il s’agit de contrats nés de la rencontre de volontés. Aussi
est-il possible de regrouper les règles qui président à l’exécution technique
des marchés publics autour des obligations respectives des parties.
Section 1 : Les obligations
du cocontractant de l’Administration
Les entreprises ont l’obligation de réaliser de façon satisfaisante les
prestations mises à leur charge. En contrepartie de ces obligations, elles
bénéficient d’un droit au maintien de l’équilibre financier du marché dans des
conditions d’application différentes selon que les modifications apportées au
marché résultent du fait du prince, d’un état d’imprévision, d’un cas de force
majeure, de sujétions imprévues ou ont été ordonnées par l’Administration.
Le cocontractant de l’Administration, entrepreneur, fournisseur ou
prestataire de services, se trouve enserré dans trois séries de contraintes.
Une contrainte organique, d’abord, née du fait qu’il est tenu d’exécuter
personnellement le marché. Une contrainte temporelle, ensuite, en ce qu’il est
tenu de l’exécuter dans les délais prescrits. Une contrainte matérielle, enfin,
dans la mesure où le marché doit être exécuté conformément aux prescriptions techniques
et aux ordres de service de l’administration.
§ 1 : L’obligation
d’exécution personnelle du marché
Comme tout contractant, l’administration tire du contrat le droit
d’exiger de l’autre partie l’exécution de ses obligations telles qu’elles ont été
prévues au contrat. Conclus intuitu personae, les marchés publics en
particulier, doivent faire l’objet d’une exécution personnelle de la part du
cocontractant. Néanmoins, certaines dérogations (hors le cas de la
sous-traitance) à cette obligation doivent être abordées
A-
Le principe
Le titulaire du marché a l’obligation d’exécuter les travaux ou les
prestations commandées. En ce sens, il doit se conformer aux prescriptions
techniques contractuelles, générales et particulières du marché considéré, sans
préjudice du respect des obligations générales applicables à tous les contrats
administratifs.
Le cocontractant de l’administration doit tout mettre en œuvre pour
exécuter le marché selon les règles de l’art, l’objectif étant de réaliser un
ouvrage exempt de vices et conforme aux prescriptions du marché (CE, 26 avril
1972, Raboni, AJDA, 1972, p.
414). Titulaire d’un marché public de travaux, il doit par exemple se
munir du matériel adapté pour des travaux de creusement de tranchées même si le
cahier des charges ne mentionnait pas ce type de prestation (CAA Nantes, 18
novembre 1993, SA Barenton). Les marchés industriels impliquent
également une obligation d’objectif ou de résultat à atteindre. Dans les
marchés de fournitures, celles-ci doivent répondre à la destination pour
laquelle elles sont demandées, ce qui implique une obligation de conformité
(CE, 26 janvier 1977, SARL Tecres, rec. p. 895).
Néanmoins, il est certaines hypothèses qui font obstacles à une exécution
personnelle du marché par son titulaire initial.
B-
Les exceptions
1)
La cession du marché
a- La cession d’un contrat est l’acte par lequel à l’un des
cocontractants se substitue un tiers qui assurera intégralement la poursuite de
l’exécution du contrat. Le Conseil
d’État dans son avis du 8 juin 2000, définit la cession comme la « reprise pure et simple, par le cessionnaire,
qui constitue son nouveau titulaire, de l’ensemble des droits et des
obligations résultant du précédent contrat », et précise que « la notion de tiers auquel le contrat est cédé
doit s’entendre d’une personne morale distincte du titulaire initial ». La
cession implique donc d’une part la reprise du contrat initial, et d’autre part
son transfert à un tiers.
Il
faut donc distinguer deux sortes de cessions au sens de l'avis du Conseil
d'État, selon que la reprise des obligations décharge ou non complètement le
cédant.
Il
y a ainsi des cessions novatoires, déchargeant complètement le cédant, et des
cessions non novatoires ou imparfaites où le cédant reste engagé,
éventuellement à titre subsidiaire, se portant garant envers le cédé du respect
par le cessionnaire des obligations.
La cession du contrat implique que la substitution de cocontractant
s’effectue dans la cadre du contrat initial, qui doit être maintenu dans ses
éléments essentiels (à savoir le prix, la nature des prestations, le tarif
applicable aux usagers ou la durée). A contrario, la cession peut s’accompagner de modifications non
substantielles du contrat d’origine, ce qui est conforme au principe de liberté
contractuelle fondant la notion de cession en droit administratif. La
continuité du contrat initial est donc une condition de validité de la cession,
mais également un élément de sa définition.
Il en résulte que si le transfert comprend une modification substantielle
des termes du contrat, il ne s’agit pas d’une cession, car le bénéficiaire se
voit attribuer un nouveau contrat. En effet, la jurisprudence administrative
concernant les avenants aux contrats publics a élaboré la théorie du nouveau
contrat (CE, 1995, Préfet de la
région Île de France). Cela permet au juge de requalifier un avenant
bouleversant l’économie du contrat, ou y apportant des modifications
substantielles, en nouveau contrat qui est nul faute d’avoir été précédé d’une
procédure de mise en concurrence.
En pratique, les cessions prennent en général la forme d’un avenant de
transfert. La continuité du contrat initial est un élément fondamental, car elle
va justifier l’absence de remise en concurrence.
b- Quelles que soient les modifications qui peuvent affecter la personne
du cocontractant, il n’y a pas de cession tant que la personnalité juridique ne
change pas. Cette condition est naturellement remplie dans le cas d’un
transfert purement conventionnel du contrat à un tiers n’ayant aucun lien juridique
avec le cédant. En général, le transfert du contrat se fait au cours d’une
opération de la vie des sociétés.
Dans
certaines situations, il ne peut y avoir cession, faute de tiers. Ainsi, selon
le Conseil d’Etat, le changement des actionnaires de la société titulaire du
contrat n’est pas considéré comme une cession (avis du Conseil d’Etat précité ;
CE, 31 juillet 1996, Société des
téléphériques du massif du Mont-blanc, n° 126594).
Il
en va de même en cas de changement de type de société dès lors que la loi
prévoit la continuité de la personnalité morale. L’article 1844-3 du code
civil dispose que « la
transformation régulière d'une société en une société d'une autre forme
n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle. Il en est de même de
la prorogation ou de toute autre modification statutaire ». En
conséquence, le changement de nature juridique d’une société n’entraîne donc
jamais de cession du marché.
Les
hypothèses où la cession est possible sont assez variées. La première, qui ne
pose aucune difficulté, est celle de la cession du marché à une société sans
lien avec la cédante.
La
seconde concerne, l'apport du contrat à une société différente, nouvelle ou
existante, par scission, fusion ou absorption de sociétés, est une cession de
contrat.
c- S’agissant de
leur régime, les cessions de contrat ne nécessitent pas la remise en concurrence
du contrat initial mais doivent être préalablement autorisées par la
collectivité cocontractante. Le Conseil d’État, par son avis du 8 juin 2000, est
venu mettre un terme au débat qui animé la doctrine en affirmant que les
cessions de contrat n’ont pas à faire l’objet d’une mise en concurrence.
La majorité de
la doctrine estimait que, pour l’application des règles de mise en concurrence
au moment de la cession d’un contrat, il convenait de distinguer selon que la
cession était purement conventionnelle ou qu’elle intervenait dans le cadre de
la réorganisation d’un groupe. Lorsque la cession résulte de la restructuration
ou de la réorganisation de la société, les moyens financiers et humains
permettant la réalisation du contrat restent inchangés. Il n’y aurait alors pas
lieu de procéder à une nouvelle mise en concurrence. C’est par exemple ce qui
se produit lorsque le contrat est confié à une filiale de l’entreprise
titulaire dans le cadre d’une réorganisation de la société. Lorsque la cession
intervenait entre deux personnes distinctes, le changement de cocontractant pouvait
être considéré comme une modification substantielle du contrat. Il s’agissait
alors d’une véritable réattribution du marché public. Le changement de
contractant donnait naissance à un nouveau contrat qui devait être attribué qu’après
publicité et mise en concurrence - le consentement de la collectivité n’étant
pas suffisant. Il s’agissait d’une simple application de la jurisprudence du
Conseil d’Etat de 1995 - Préfet de
la région Île de France - sur les avenants. Le titulaire
pourrait toujours céder son contrat, seulement il ne pourrait pas choisir le
cessionnaire. Ce choix est fait par l’administration, au terme d’une procédure
respectant les principes de concurrence et de libre accès à la commande
publique. En outre, une interprétation a contrario de l’arrêt du Conseil
d’État, rendu en 1939, Thouna,
permettait d’affirmer que si le contrat initial était soumis à une
procédure de mise en concurrence, sa cession devait suivre la même procédure.
Il paraissait logique de considérer que le changement du titulaire du contrat était
soumis aux mêmes règles que la désignation du premier titulaire.
Cependant, dans son avis, le Conseil d'Etat a estimé qu’en cas de
cession, aucune remise en concurrence n'était nécessaire. Cession et mise en
concurrence sont incompatibles, car la mise en concurrence suppose que les
différents candidats remettent une offre, forment des propositions sur les
droits et obligations qui figureront dans le contrat. Le contrat qui en
résulterait comporterait forcement des modifications substantielles par rapport
au contrat initial. La mise en concurrence précédée d’une procédure de
publicité aboutirait donc à la conclusion d’un nouveau contrat et on ne
pourrait donc plus parler de cession de contrat. Autrement dit, la mise en
concurrence consiste à choisir la meilleure proposition parmi des offres
distinctes, alors que dans la cession, la qualité de l'offre ne change pas,
seul l’exécutant n'est plus le même. De plus, sur le plan de l’opportunité, si
la cession avait dû être précédée d’une mise en concurrence, les opérations de
fusion ou de scission décidées par les entreprises titulaires de marchés
publics seraient devenues en pratique impossibles, car les entreprises
n’auraient pas pu prendre le risque de voir le contrat attribué à un autre
candidat.
Néanmoins, la
cession ne doit pas dissimuler une manœuvre destinée à contourner les règles de
mise en concurrence applicables à la passation du contrat initial, sous peine
d’illégalité et de poursuite pour délit de favoritisme.
d- Sur le plan procédural, la cession doit être autorisée par la personne
publique. Traditionnellement, la jurisprudence exige l'accord du cédé, et la
cession sans autorisation lui est inopposable, le titulaire restant le seul
responsable (CE, 2 février 1979, Ville de
Châlons sur Marne, n° 01881). Le Conseil d’Etat a même jugé qu'un lien
contractuel ne peut naître implicitement entre l’administration et le
cessionnaire autorisé, même si l'administration continue d'exécuter le contrat
avec le cessionnaire (CE, 21 février 1986, Ministre
de l’urbanisme c/ Secre ; RDP 1986, p. 1734).
L’avis du 8 juin 2000 confirme cette position, tout en précisant les
conditions d'un refus que peut opposer l’Administration. L'avis indique que le
refus d'autoriser la cession ne peut être fondé que sur des motifs retenus par
le Conseil d'Etat au contentieux. Cependant, un seul exemple est cité :
celui de l’insuffisance des garanties professionnelles ou financières du
cessionnaire. Dans les faits, l’Administration ne pourra s’opposer à la cession
du contrat que si l’entreprise cessionnaire ne présente pas les garanties
financières et professionnelles suffisantes pour exécuter le marché cédé.
Un
refus fondé implique dans l’hypothèse où le titulaire n'entend pas, ou ne peut
pas continuer l'exécution du marché, que l’acheteur résilie le marché, et
organise la passation d'un nouveau contrat dans les formes prévues par le code
des marchés publics.
Dans
le cas où l’administration s’oppose à une cession régulière, ce refus illégal
est de nature à engager sa responsabilité.
2)
La force majeure
La force majeure est un événement qui doit être à la fois extérieur au
cocontractant, irrésistible et imprévisible (CE, 29 janvier 1909, Compagnie des messageries maritimes, n° 17614).
Il s’agit d’un fait qui ne pouvait, ni
être prévu ni être empêché par les parties. Cet événement est totalement indépendant
de leur volonté et rend l’exécution du marché absolument impossible.
La force majeure
se définit à travers trois critères :
-
L’irrésistibilité qui correspond à l’idée que l’événement
constitutif de la force majeure est réellement impossible à surmonter (CE, 25
mai 1990, Abadie, rec. p. 1026).
-
L’imprévisibilité. Le juge recherche si l’événement
aurait pu être prévu par l’entrepreneur au moment de la conclusion du marché (CAA Bordeaux, 23 mai 1989, SA Smac
Acieroid, D., 1990, somm., p. 68).
Ce critère s'apprécie par rapport à une région et à une localité et sur
une durée de temps assez longue.
-
L’extériorité suppose que le fait soit étranger au
défendeur qui s’en prévaut, et plus généralement aux parties (CE, 9 novembre
1955, Société des transports routiers Aviat et Cie, rec. p. 230).
Les requérants doivent rapporter les éléments de nature à établir le bien
fondé du moyen tiré de ce que l’événement ou le phénomène naturel invoqué
serait imputable à des circonstances constitutives de la force majeure. Ces
évènements peuvent être causés soit par des faits naturels (intempéries
exceptionnelles)
, soit par des faits de
l’homme (grève, guerre).
L’établissement de la situation de la force majeure permet de justifier
aussi bien l’inaction de l’Administration (CE, 13 juillet 1961, Société
indochinoise d’électricité, rec.
p.519) que le manquement de l’entrepreneur. L’entrepreneur est libéré de
son obligation d’exécution (CE, 29 janvier 1909, prec.). Toutefois, si la force majeure prend fin, l’obligation
d’exécuter le marché s’impose à nouveau à l’entrepreneur (CE, 5 janvier 1924, Compagnie
Gar, rec. p. 18).
§ 2 :
L’obligation d’exécution dans les délais prévus
A-
Les délais d’exécution
Les délais sont un élément essentiel de l’objet du contrat (CE, 3 mai
1961, Société Entreprise Thomas Kotland et OPHLM du Département de la Seine, rec. p. 290).
L’article 12-I 7° du code des marchés publics dispose que « les
pièces constitutives du marché comportent obligatoirement (…) la durée
d’exécution du marché ou les dates prévisionnelles de début d’exécution et
d’achèvement ».
Le marché peut prévoir un délai global, des délais partiels pour
l’exécution de certaines prestations ou encore les deux à la fois
. A titre d’illustration, les délais d’exécution
des travaux sont en principe fixés par le marché ou par les calendriers
convenus ultérieurement (CE, 4 octobre 1989
, Centre hospitalier de Vitré, D., 1990, somm., p. 245). Le délai
convenu entre les parties comprend, sauf stipulations contraires, l’achèvement
de tous les travaux prévus par le marché, y compris le repliement des
installations et la remise en état des lieux
.
Les délais d’exécution commencent à courir en principe à compter de la
notification du marché. En outre, un contrat ne peut valablement commencer à
être exécuté si toutes les formalités pour le rendre exécutoire n’ont pas été
remplies (CE, 20 janvier 1989, Ville de Millau). En cas de fixation du
point de départ du délai à une date antérieure à la transmission du marché, le
juge reporte le point de départ du délai à l’accomplissement de cette formalité
(CE, 8 février 1999, Société Sogema, BJCP, 1999, n° 9, p. 495).
Les
cocontractants fixent en principe librement la durée de leur convention. Toutefois,
l’article 16 du code des marchés publics vient encadrer cette
possibilité : « sous réserve
des dispositions fixant la durée maximale pour les accords-cadres et les
marchés à bons de commande, les marchés complémentaires passés en procédure
négociée ainsi que les marchés relatifs à des opérations de communication, la
durée d'un marché ainsi que, le cas échéant, le nombre de ses reconductions,
sont fixés en tenant compte de la nature des prestations et de la nécessité
d'une remise en concurrence périodique. Un marché peut prévoir une ou plusieurs
reconductions à condition que ses caractéristiques restent inchangées et que la
mise en concurrence ait été réalisée en prenant en compte la durée totale du
marché, périodes de reconduction comprises.
Le pouvoir adjudicateur prend par écrit la décision de reconduire ou non
le marché. Le titulaire du marché ne peut refuser sa reconduction sauf
stipulation contraire prévue dans le marché ».
S’agissant de la possibilité de prorogation des délais d’exécution, il
faut préciser que le CCAG Travaux est plus précis que les autres cahiers des
clauses administratives générales sur les causes pouvant en justifier.
Par exemple, l’article 19.21 précité dispose que le délai d’exécution
peut être prolongé par ordre de service pour certains motifs :
-
changement dans la masse de travaux ou une modification
de l’importance de certaines natures d’ouvrages ;
-
substitution à des ouvrages initialement prévus
d’ouvrages différents ;
-
rencontre de difficultés imprévues au cours du chantier ;
-
ajournement des travaux décidé par la personne responsable
du marché ;
-
retard dans l’exécution d’opérations préliminaires à la
charge du maître d’ouvrage.
L’article 19.22 concerne un autre fondement possible, les intempéries.
Ainsi, en cas d’intempéries, au sens législatif ou réglementaire en vigueur,
entraînant un arrêt de travail sur le chantier, les délais d’exécution sont
prolongés pour un nombre égal de jours pendant lesquels le travail a été arrêté,
en défalquant, s’il y a lieu, le nombre
de jours d’intempéries prévisibles indiqué au CCAP.
B-
Les sanctions du non respect des délais
Le plus souvent, il s’agit de l’application de pénalités à l’encontre du
titulaire défaillant dont les modalités de calcul et de mise en œuvre sont
définies par le marché (montant, mise en demeure…).
Les pénalités sont des sanctions pécuniaires forfaitaires qui se
substituent aux dommages et intérêts et ont donc une double fonction de
dissuasion et de réparation. Elles sont toujours forfaitaires et ne sont pas
subordonnées à la réalité d'un préjudice (CE, 10 février 1971, Bonnet, n° 78594, rec. Tb.
p. 1104).
Elles
ne s’appliquent que si le marché le prévoit et si le fait à pénaliser est
imputable au titulaire sanctionné. En outre, il ne suffit pas que des délais
soient stipulés pour que les indemnités de retard soient applicables, il faut
également que des pénalités soient prévues par le marché. La validité de la
clause les prévoyant suppose que soit fixé un terme ou un délai pour achever
les prestations objet des pénalités (CE, 25 février 1987, OPHLM de la Meuse c/ M. Amiel et autres, n° 60306).
Les CCAG déterminent les règles pratiques de calcul des jours et de
paiement. Les plus importantes des pénalités sont en pratique celles qui sanctionnent
les retards d’exécution du titulaire, mais on en trouve aussi qui
sanctionnent d’autres retards.
De son côté, l’attributaire du marché peut demander à être indemnisé des
retards résultant d’un fait ou d’une faute du maître de l’ouvrage. Ce dernier
engage, en effet, sa responsabilité vis-à-vis de l’entrepreneur lorsque le
retard qu’il met à exécuter ses propres obligations entraîne un dépassement des
délais contractuels (CAA Bordeaux, 31 décembre 1993, Commune de La Rochelle). C’est le
cas lorsque la modification du projet de construction a empêché le constructeur
de se procurer à temps les matériaux nécessaires à l’exécution des travaux (CE,
2 décembre 1964, SA de construction et d’installation électriques du
littoral, RDP, 1966, p. 196).
La jurisprudence admet également que l’entrepreneur puisse être indemnisé
des retards imputables à d’autres constructeurs (entreprises, maîtres d’œuvre)
à condition qu’ils aient participé à l’exécution du marché en vertu d’un
contrat les liant directement au maître de l’ouvrage (CE, 28 janvier 1976, Société
des ateliers Delestrade et Ramser comité réunis et a., rec.
p. 68).
§ 3 :
L’obligation d’exécution conformément aux prescriptions techniques du marché
Dès lors que le contrat constitue la loi des parties, le titulaire est
tenu d’en respecter les spécifications techniques. La nécessité de réaliser des
prestations complémentaires, non prévues initialement au contrat, peut
néanmoins surgir. La réalisation en sera alors encadrée. Par ailleurs,
l’administration peut influer de manière parfois importante sur les modalités
d’exécution du contrat. Elle agit le plus souvent par le biais d’ordres de
service, que son cocontractant est tenu de respecter.
Lorsqu’il convient de réaliser des prestations complémentaires par
rapport à ce qui était initialement conclu, il appartient aux parties de le
consigner dans un document écrit qui prend la forme soit d’un avenant, soit
d’une décision de poursuivre. Les deux régimes diffèrent largement.
A-
Les avenants
L’article 20 du code des marchés publics dispose : « en cas de sujétions techniques imprévues ne
résultant pas du fait des parties, un avenant ou une décision de poursuivre
peut intervenir
quel que soit le montant de la modification en résultant.
Dans tous les autres cas, un avenant ou une décision de poursuivre ne peut
bouleverser l'économie du marché, ni en changer l'objet ».
Le manuel pour l'application du code (point 14.7) indique que « l'avenant est l'acte par lequel les parties
à un contrat conviennent d'adapter ou de compléter une ou plusieurs de ses
clauses ». La conclusion d’un avenant est encadrée tant d’un point de
vue matériel que d’un point de vue procédural.
1)
Sur le plan matériel
a- L’avenant ne doit pas bouleverser l’économie du marché ni en changer
l’objet. L’appréciation du bouleversement de l’économie du contrat se fait de
manière subjective.
En
premier lieu, le code des marchés publics ne fixe à cet égard aucun seuil
au-delà duquel l’économie du contrat doit être considérée comme bouleversé. Le
Conseil d’Etat ne requalifie pas systématiquement en marché un avenant du seul
fait que son montant est important (CE, 13 juin 1997, Commune d’Aulnay-sous-Bois, n° 150681). Le montant a valeur
d’indice. Un faible montant doit être considéré comme un indice qu’il ne s'agit
pas d'un nouveau marché. A l'inverse, un montant important de l'avenant laisse
penser que les prestations introduites sont dissociables ou, s’il s'agit de
sujétions techniques, qu'elles auraient dû être prévues (CAA Paris, Préfet du Val d’Oise, n° 00PA0172).
Le
manuel d'application du code de 2006 (point 14.7) indique qu’ « il y a lieu de considérer qu'une
augmentation par avenant de 15 % à 20 % ou plus du prix d'un marché
est susceptible d'être regardée par le juge administratif comme bouleversant
l'économie du contrat ». Cet indice quantitatif tient compte de tous
les avenants, de sorte que les premiers peuvent être légaux et les autres non
(TA Melun 4 décembre 2001, Préfet du
Val-de-Marne, n° 002580).
En second lieu, l’avenant
ne doit pas avoir pour effet de modifier en substance les clauses essentielles
relatives à la durée, au prix et aux conditions d’exécution et ainsi
bouleverser techniquement le marché. L’équilibre général du marché initial est,
à cet égard, intangible. La conclusion d’avenants ne peut, en effet, être
considérée comme un mode normal de gestion des contrats (TA Strasbourg, 26
septembre 2000, Préfet de la
Moselle c/ District rural de Cattenom, Société Edmond
Schnitzler).
De surcroît, le
juge utilise également le critère de la dissociabilité. Un avenant est légal
quand il a pour but la poursuite de l'exécution des prestations prévues par le
marché initial. Au contraire, un avenant doit être requalifié en nouveau
marché, dès lors que les prestations introduites sont totalement dissociables
des prestations initialement prévues (CE, 28 juillet 1995, Société de gérance Jeanne d’arc, n° 143438).
b- Si l’avenant doit bouleverser l’économie générale du marché initial, il est
alors nécessaire de conclure un nouveau contrat. Seule la théorie des sujétions
imprévues, propre aux marchés publics de travaux, permet aux parties de déroger
à ces principes. Les sujétions imprévues sont des aléas matériels et
techniques, rencontrés dans l’exécution du marché et qui entraînent un surcoût
important.
Elles dépassent
la commune intention des parties car elles impliquent l'utilisation de
techniques plus onéreuses, ou entraînent des travaux supplémentaires
indispensables de même nature. En pratique, il faut que l'économie du contrat
soit bouleversée. Les sujétions doivent être exceptionnelles, imprévisibles et
extérieures aux parties (CE, 30 juillet 2003, Commune de Lens, rec. Tb. p. 862-960-962).
Dans cette
hypothèse, le code autorise la signature d’un avenant quel que soit le montant
de la modification en résultant.
2)
Sur la plan procédural
La formation de
l’avenant ne saurait en effet être implicite ou tacite. Le consentement
suppose, pour les personnes publiques, certaines formalités et la signature,
tandis que, pour la personne privée, seule la signature est nécessaire
Pour les
collectivités locales, l'autorisation de l'assemblée délibérante est requise.
Il s'agit du même régime que pour la passation du contrat d'origine. En outre,
l’avenant, accompagné de la délibération qui l’y autorise, doit être transmis
au contrôle de légalité.
En revanche,
pour les sociétés, les règles légales ne supposent pas d'autorisation des
organes sociaux.
A noter que
l’article 11 du code précisant que « Les
marchés … d'un montant égal ou supérieur à 20 000 euros HT sont passés sous
forme écrite », les avenants relatifs à des marchés d’un montant
inférieur pourraient être simplement verbaux.
En outre, aux
termes de l’article 8 de la loi n° 95-127 du 8 février 1995 relative aux marchés
publics et délégations de service public, « Tout projet d'avenant à un marché de
travaux, de fournitures ou de services entraînant une augmentation du montant
global supérieure à 5 % est soumis pour avis à la commission d'appel d'offres.
L'assemblée délibérante qui statue sur le projet d'avenant est préalablement
informée de cet avis. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables
lorsque ces avenants concernent des marchés qui, conformément aux dispositions
du code des marchés publics, n'ont pas été soumis eux-mêmes à cet avis. Ces
dispositions ne sont pas non plus applicables lorsque ces avenants concernent
les marchés conclus par l'Etat, un établissement public de santé ou un
établissement public social ou médico-social ».
La difficulté
réside principalement dans les modalités de calcul du seuil de 5 %. Ce seuil s'applique
sans doute par marché, c'est-à-dire entreprise par entreprise en cas de marchés
séparés et groupement par groupement dans le cas contraire. Mais on peut
hésiter dans le cas des groupements sans solidarité.
On peut penser
que l'avis de la commission d'appel d'offres est requis quand plusieurs
avenants successifs inférieurs à 5 % totalisent 5 %. En cas de
succession d'avenants, le seuil de 5 % se calcule sans doute par référence
au montant résultant du précédent avenant s'il a été soumis à l'avis de la
commission d'appel d'offres
Une fois que la commission
d’appel d’offres a émis son avis, celui-ci est transmis à l’assemblée
délibérante qui statue alors sur le projet d’avenant notamment pour en
autoriser la signature. L’assemblée n’est pas liée par l’avis de la commission.
Cette délibération doit être transmise au Préfet préalablement à la signature
de l’avenant. L’assemblée délibérante peut déléguer son pouvoir à l’exécutif
local dans les conditions prévues dans le code général des collectivités territoriales
(article L. 2122-22).
B-
La décision de poursuivre
L’article 118 du
code des marchés publics dispose : « Dans le cas particulier où le montant des prestations exécutées atteint
le montant prévu par le marché, la poursuite de l'exécution des prestations est
subordonnée, que les prix indiqués au marché soient forfaitaires ou unitaires,
à la conclusion d'un avenant ou, si le marché le prévoit, à une décision de
poursuivre prise par le pouvoir adjudicateur ».
Du point de vue
du consentement, la décision de poursuivre se distingue de l'avenant par le
fait que l'accord du titulaire est consenti par avance.
Quand, au fond,
elle s'en distingue par le fait qu'elle ne vise pas à modifier les
obligations mais à poursuivre leur exécution malgré le franchissement du
volume prévisionnel du marché.
L’article 20 du
code précité précise que la décision de poursuivre ne doit pas avoir pour objet
de bouleverser l’économie du contrat
ou d’en changer l’objet.
Section
2 : L’exécution par l’acheteur public
Le contrat
administratif a cette particularité de confier à l’Administration des pouvoirs
coercitifs à l’égard de son cocontractant. Mais ces pouvoirs ne doivent pas
occulter le fait que l’on est en présence d’un contrat qui, par nature,
reconnaît à chaque partie un certain nombre de droits. En d’autres termes, si
l’administration dispose, dans le cadre d’un marché public, de prérogatives
étendues, elle est également soumise, en tant que partie au contrat, à des
obligations juridiquement sanctionnées.
§ 1 :
Les prérogatives de l’acheteur public
Les pouvoirs
dont dispose la collectivité publique dans l’exécution d’un marché public sont
au nombre de trois.
A-
Le pouvoir de contrôle et de direction
L’administration
dispose d’un pouvoir général de contrôle et de direction de l’exécution du
marché (CE, 31 mai 1907, Deplanque, rec. p. 513). Un marché public réserve en effet à l’acheteur
public le droit de contrôler et/ou de diriger les opérations d’exécution. Ce
pouvoir de direction et de contrôle n’a toutefois de sens que pour des contrats
dont l’exécution se déroule sur une certaine durée.
De manière
générale, il s’agit de la possibilité ouverte à l’administration de vérifier
que son cocontractant respecte ses obligations contractuelles et d’exiger de
lui tous renseignements ou prestations propres à éclairer ces vérifications ou
à servir l’intérêt général.
Ce pouvoir offre
à la collectivité publique un éventail très vaste de mesures. Par ailleurs,
l’exercice ou le non exercice de ce pouvoir peut entraîner la responsabilité de
l’administration.
1)
Le pouvoir d’émettre des ordres de service
Si
l’entrepreneur choisit en principe les modes d’exécution du marché, il peut
recevoir des ordres de service. La notion d'ordre de service est une notion
formelle. Est un ordre de service, tout document signé ou ordre quelconque par
lequel l'administration ou le maître d'œuvre (voir ci-après) donne des
instructions à l'entreprise.
Il n'y a
d'ailleurs pas lieu de limiter l'emploi de l'expression aux ordres qui se
présentent comme tels. Une lettre, un ordre verbal peuvent être des ordres de
service. Le fait que de telles formes soient éventuellement irrégulières ne
change pas leur qualification. Dans ce cas, si l’entreprise a accusé réception
sans donner lieu à contestation à l’ordre verbal, celui-ci est assimilable à un
ordre de service écrit.
Les ordres de
service sont en principe écrits, signés par le maître d'œuvre et numérotés.
Il en est accusé réception. Pour plus de sécurité, les ordres de service les
plus importants peuvent être envoyés en recommandé.
Le maître de
l’ouvrage ou le maître d’œuvre utilise les ordres de service pendant toute
l’exécution du marché et plus précisément, toutes les fois où le besoin de
communiquer avec l’entrepreneur se fait sentir. Il peut ainsi utiliser l’ordre
de service pour exiger la présence de davantage de salariés, pour définir les
conditions d’exécution d’une prestation, pour augmenter ou diminuer les
prestations prévues ou pour rappeler à l’entreprise le respect de ses
obligations.
Les ordres de service sont
opposables au maître de l’ouvrage pour le compte duquel ils sont notifiés (CAA
Nantes, 13 mars 1991, Commune Cléré-sur-Layon). Si l’entrepreneur a
l’obligation de les exécuter, il peut s’y opposer en formulant des réserves,
nom donné aux observations sur les ordres de service de la part de
l’entrepreneur. Toutefois, l’article 2.52 du CCAG travaux stipule qu’« A l'exception des
seuls cas que prévoient le 22 de l'article 15 [du CCAG] et le 6 de
L'article 46 [du CCAG], l'entrepreneur
se conforme strictement aux ordres de service qui lui sont notifiés, qu'ils
aient ou non fait l'objet de réserves de sa part ».
L'entreprise qui
n'a pas émis de réserves dans le délai ne peut pas obtenir satisfaction devant
le juge. Ces réserves ne sont pas des réclamations mais des mesures
conservatoires, sans effet suspensif, destinées à ménager pour l’avenir les
droits à rémunération de l’entrepreneur. Lorsque celui-ci estime que la
prescription d’un ordre de service appelle des réserves de sa part, il doit,
sous peine de forclusion, les présenter par écrit au maître d’œuvre dans un
délai de 15 jours,
sauf délai différent prévu par une clause du CCAP. Le délai commence à courir
le lendemain du jour où il a reçu et signé l’ordre de service.
Dans la mesure où la preuve de ces réserves est à la charge de l’entreprise,
elle aura intérêt à utiliser la lettre recommandée avec AR.
2)
La responsabilité de l’administration du fait de
son pouvoir de contrôle et de direction
a)
Responsabilité pour faute
Le manquement de
l’administration à son pouvoir de contrôle et de direction constitue une faute.
En principe, la faute simple commise dans l’usage du pouvoir de direction et de
contrôle suffit à engager la responsabilité de l’acheteur public. Mais,
parfois, la jurisprudence, a fait référence à l’exigence d’une faute lourde
afin de faire échec, par exemple, à une disposition législative (CE, 21
novembre 1986, Société française d’interim c/ Ministre des PTT).
Le retard de
l’administration se traduisant par un exercice tardif voire l’absence d’usage
de son pouvoir de contrôle et de direction engage sa responsabilité. Ainsi,
l’administration engage sa responsabilité lorsqu’elle a oublié d’adresser un
ordre de service à l’entrepreneur (CE, 17 mars 1999, Syndicat intercommunal
eau et assainissement de Point à Pitre), ou, garde le silence sur des
désordres apparus nécessitant des travaux supplémentaires pour une exécution
correcte de l’ouvrage (CE, 3 février 1975, Labredy, Garnier et Chevrier
syndics pour l’entreprise Linville,
RDP, 1975, p. 1768).
b)
Indemnisation
Si
l’administration a commis une faute, l’entrepreneur ne peut pas se retrancher
derrière pour suspendre l’exécution de ses propres obligations. Quelle que soit
la faute commise par l’administration, il ne peut que saisir le juge du contrat
d’une action en dommages intérêts ou d’une demande de résiliation en cas de
faute très grave.
Si
l’entrepreneur a exécuté des travaux en conséquence d’un ordre de service
irrégulier résultant de ce que les travaux lui ont été commandés par un procédé
irrégulier, le juge prend toutefois, en compte l’imprudence commise par
l’entrepreneur d’avoir accepté de s’y conformer (CE, 10 janvier 1987, Commune
Montbronn, RDP, 1987, p. 1096).
B-
Le pouvoir de sanction
Dans un contrat
administratif, l’administration peut infliger unilatéralement des sanctions au
cocontractant.
1)
L’existence d’un pouvoir de sanction
Le pouvoir de
sanction appartient à l’administration même sans texte en vertu « des règles générales applicables aux
contrats administratifs » (CE, 31 mai 1907, Deplanque). Pour illustration, le droit de résilier pour
faute après mise en demeure existe, même si le contrat ne le prévoit pas (CE,
30 septembre 1983, SARL Comexp, n°
26611). Aussi, disposant du pouvoir de sanction pour imposer l’exécution de ses
obligations à l’entrepreneur, le maître de l’ouvrage n’est pas fondé, en vertu
du privilège du préalable, à demander au juge de se substituer à lui pour ce
faire (CE, 21 mai 1982, SARL Société de protection intégrale du bâtiment, rec.
p. 183).
La résiliation
n’étant adaptée qu’aux manquements les plus graves, des sanctions mieux
proportionnées peuvent être infligées dans les autres cas. Toutefois, certaines
d’entre elles ne peuvent pas être prononcées en l’absence de clause
contractuelle. C’est le cas, par exemple, des pénalités qui ne peuvent être
appliquées que si une stipulation contractuelle en fixe les modalités
d’application.
Que le
cocontractant ignore ou non les manquements commis, l’administration doit lui
notifier avec précision la nature de ses manquements (V. LEFOULON J., Les formalités en matière de sanction dans
le contrat administratif, AJDA,
1974, p. 565). Par principe, une sanction ne peut être appliquée
qu’après mise en demeure restée sans effet, sauf stipulation contraire du
contrat ou en application des dispositions du CCAG (CE, 10 juin 1953, Commune
Saint Denis-en-Val, rec. p. 276).
2)
Sanctions pécuniaires et sanctions coercitives
Les sanctions
pécuniaires et coercitives sont des mesures temporaires qui ne mettent pas fin
au marché. Ces sanctions ne peuvent être prononcées qu’après mise en demeure
(sauf clause contraire du marché).
Les sanctions
pécuniaires sont les moins graves
. Il
peut s’agir par exemple, dans le cadre d’un marché de travaux, de pénalités
fixées par le contrat et destinées à sanctionner des retards d’exécution
, des
retards dans la remise d’un projet de décompte
, des
retards dans l’enlèvement de matériaux
.
A défaut de
pénalités, le maître de l’ouvrage est en droit de réclamer à l’entrepreneur la
réparation du préjudice qui lui cause son retard sous la forme de dommages intérêts.
En vertu du privilège du préalable, l’administration peut émettre un état
exécutoire correspondant au montant des dommages intérêts qu’elle estime dû à
charge pour le cocontractant de le contester.
Une sanction
coercitive intervient lorsque l’exécution régulière et continue du contrat est
menacée. Sans que le contrat soit rompu, l’administration peut alors confier
l’exécution du contrat à un tiers ou l’assurer elle-même (régie), mais aux
frais du cocontractant défaillant lorsque son comportement révèle des fautes
graves.
La mise en régie
n’est prévue que pour les marchés de travaux et, dans certaines circonstances,
pour les marchés de fournitures, bien que dans ce domaine elle soit
d’utilisation limitée. Mais il semble qu'elle existe dans d'autres contrats car
les pouvoirs coercitifs « sont
inhérents à tout contrat passé pour l'exécution d'un service public »
(CE, 6 mai 1985, OPHLM d’Avignon, RDP
1985, p. 1706).
La mise en régie
n'entraîne pas la rupture des rapports contractuels (CE, 23 janvier 1981, Commune d’Aulnay-sur-Odon, n° 06760,
06806 et 06807). Elle cesse par une décision de l'administration, notamment si
l'entrepreneur justifie disposer des moyens pour reprendre les travaux et les
mener à bonne fin,
ou s’il ne peut pas par la résiliation du marché.
3)
La résiliation pour faute du cocontractant
La résiliation
est prononcée à titre de sanction lorsque l’entrepreneur a eu un comportement
grave et gênant la bonne exécution du marché. Il est nécessaire que le
cocontractant ait commis une faute suffisamment grave (violation des clauses
contractuelles, fausse déclaration, abandon de chantier…) qui lui est imputable.
Lorsque le fait du cocontractant ne peut être qualifié de faute, l'application
d'une sanction est exclue. Obéissant à un formalisme et à un régime juridique
spécifique, l’exercice de ce pouvoir de sanction conduit non seulement à la
cessation des rapports contractuels mais a des incidences financières
particulières.
Elle est
prononcée aux torts du cocontractant en cas de faute et doit être précédée
d’une mise en demeure (sauf clause contraire) restée infructueuse. Dans cette
hypothèse, le cocontractant n’a pas droit à être indemnisé car la résiliation
est prononcée à ses torts (CE, 8 novembre 1985, Ozilou, rec. p. 317), sauf clause contraire.
Le cocontractant
qui a vu son marché résilié est tenu de couvrir la différence entre le coût du
marché de substitution et celui du marché résilié sans pouvoir bénéficier de
l'économie éventuelle (par exemple sur le fondement de l’article 49.6 du CCAG
Travaux). Sur ce point, la jurisprudence est constante (CE, 29 mai 1981, SA Roussey, n° 12315). Cette garantie du
surcoût ne vaut que dans les limites des
dépenses imputables à l’entreprise fautive, ce qui implique que le marché de
remplacement ait un objet identique et soit passé dans des conditions et des
délais normaux. Pour les marchés de travaux, l'article 49.5 du CCAG Travaux
prévoit que l’entreprise dont le contrat est résilié doit être en mesure de
suivre l'achèvement des travaux pour que l'administration ait le droit de lui
faire payer le surcoût (CE, 1er mars 1967, Société Technical c/ OPHLM de la Seine, req. n° 66632967). Ce principe
impose en pratique de lui notifier le nouveau marché avant le commencement des
travaux, afin qu'il puisse suivre l'exécution du marché de substitution (CE, 7
mars 2005, Société d’études et entreprise
d’équipements, n° 241666).
En tout état de
cause, la résiliation ne prive pas l’ancien titulaire du droit d'être réglé de
ses créances.
C-
Le pouvoir de résiliation dans l’intérêt général
Enfin, il peut
être mis fin au marché avant l’exécution complète des prestations initialement
prévues par le contrat dans l’intérêt général. Lorsque l’intérêt général
l’exige, l’administration peut résilier le marché à tout moment, sans le
consentement de son cocontractant. Autrement dit, la personne publique peut
résilier alors même qu’aucune disposition législative ou réglementaire ni même
aucune stipulation contractuelle ne l’aurait prévu. Cet intérêt est apprécié
par l’autorité administrative, sous contrôle du juge, le cas échéant. Le
pouvoir de rompre unilatéralement le contrat appartient, même sans texte, à
l’administration en vertu des règles générales applicables aux contrats
administratifs (CE, 2 mai 1958, Société Distillerie de Magnac-Laval, rec. p. 246). Les motifs d’intérêt
général peuvent être de plusieurs natures : l’abandon du projet, le
changement d’objectifs…
Cette règle,
profondément dérogatoire au Code civil, notamment à l'article 1134
consacrant la force obligatoire des contrats, s'explique par les
« lois » du service public et par le souci de protection des deniers
publics. Il serait en effet coûteux pour les contribuables que l'administration
continue à payer pour obtenir une prestation ou des travaux devenus inutiles. Dès
lors, lié aux nécessités de fonctionnement du service public, le pouvoir de
résiliation unilatérale ne peut pas faire l’objet d’une renonciation de la part
de la personne publique (CE, 6 mai 1985, Association Eurolat, RFDA, 1986, p. 21). Toute clause de
nature à faire obstacle à l’exercice de ce pouvoir de résiliation est ainsi
frappée de nullité en tant qu’incompatible avec les nécessités de
fonctionnement du service public.
La résiliation
peut intervenir à tout moment, mais en principe une mise en demeure est exigée (sauf
clause contraire). La jurisprudence a même admis que l’administration pouvait mettre
fin au marché soit par décision particulière soit par un acte réglementaire
applicable à tous les contrats de même nature (CE, 4 juin 1999, Compagnie
Galle de chauffe, D., 2000, p. 219).
La résiliation
n’étant ici pas une sanction, aucune faute n’est imputable au cocontractant. En
contrepartie, son droit à indemnité est reconnu par la jurisprudence (CE, 8
décembre 1967, Cts Cazautets, RDP
1968, p. 942). Le cocontractant doit être intégralement indemnisé pour le
préjudice subi. L’entrepreneur obtient non seulement la réparation des frais
exposés mais aussi la réparation des bénéfices manqués. Il a été jugé que l’entrepreneur
a droit à être indemnisé pour la perte qu’il a subie du fait des achats qu’il a
pu faire, des investissements qu’il a réalisés et droit à réparation du gain
manqué s’il démontre qu’il aurait réalisé un bénéfice (CE, 24 janvier 1975, Clerc
Renaud, Rec. CE, p. 55). Les bénéfices perdus pour le temps du contrat qui
restait à exécuter sont donc indemnisés « même en l’absence de
manquement de la ville à l’exécution de ses obligations fixées par la
convention, la résiliation unilatérale de la convention pouvait ouvrir, au
profit de la société, droit à une indemnité comprenant la perte de bénéfices
subie du fait de cette résiliation » (CE, 18 novembre 1988, Ville
d’Amiens et Société d’exploitation du parc de stationnement gare routière
d’Amiens, RFDA, 1990, p. 23).
§ 2 :
Les obligations de l’acheteur public
La collectivité
publique est principalement soumise à des obligations financières. Non
seulement elle doit payer à son cocontractant le prix convenu dans le marché
mais elle doit également l’indemniser en cas d’aggravation légitime de ses
charges.
A-
Le paiement du prix convenu
Le prix du
marché revêt une double caractéristique :
- c'est un élément constitutif du
marché (prix ou modalité de sa détermination) : il fait
partie des mentions obligatoires. Il s'agit d'une formalité substantielle dont
l’omission entraîne la nullité du contrat ;
- c'est encore la rémunération du
titulaire du marché : le prix qui est égal à la rémunération de
l'entreprise à laquelle a été confiée l'exécution de la prestation, est déterminé en fonction des prestations prévues
dans le marché. Il doit couvrir toutes les charges supportées par l'entreprise.
Le prix est, de la sorte, irrévocable et les cahiers des charges doivent
préciser ce qu'il recouvre.
L’article 17 du code des marchés
publics distingue les prix unitaires des prix forfaitaires : « Les prix des prestations faisant l'objet
d'un marché sont soit des prix unitaires appliqués aux quantités réellement
livrées ou exécutées, soit des prix forfaitaires appliqués à tout ou partie du
marché, quelles que soient les quantités livrées ou exécutées ».
L’article 18 du
même code prévoit que le marché est conclu à un prix définitif. Ce prix ne
correspond pas en effet au prix de règlement.
Le II de
l’article 18 prévoit que ce « prix
définitif peut être ferme ou révisable ».
Le III de l’article précise
qu’ « un prix ferme est un prix
invariable pendant la durée du marché », mais qu’il est actualisable. Toujours selon l’article 18, « Un marché est conclu à prix ferme dans le
cas où cette forme de prix n'est pas de nature à exposer à des aléas majeurs
les parties au marché du fait de l'évolution raisonnablement prévisible des
conditions économiques pendant la période d'exécution des prestations. Lorsqu'un
marché est conclu à prix ferme pour des fournitures ou services autres que
courants ou pour des travaux, il prévoit les modalités d'actualisation de son
prix. Il précise notamment :
1° Que ce prix sera actualisé si un délai supérieur à trois mois
s'écoule entre la date à laquelle le candidat a fixé son prix dans l'offre et
la date de début d'exécution des prestations;
2° Que l'actualisation se fera aux conditions économiques correspondant
à une date antérieure de trois mois à la date de début d'exécution des
prestations.
Lorsqu'un marché est conclu à prix ferme pour des fournitures ou
services courants, il peut prévoir que son prix pourra être actualisé selon des
règles identiques à celles mentionnées ci-dessus.
Le prix ainsi actualisé reste ferme pendant toute la période
d'exécution des prestations et constitue le prix de règlement ».
Le IV de l’article 18 dispose
qu’ « Un prix révisable est un
prix qui peut être modifié pour tenir compte des variations économiques dans
les conditions fixées ci-dessous.
Lorsque le prix est révisable, le marché fixe la date d'établissement du prix
initial, les modalités de calcul de la révision ainsi que la périodicité de sa
mise en oeuvre. Les modalités de calcul de la révision du prix sont fixées :
1° Soit en fonction d'une référence à partir de laquelle on procède à
l'ajustement du prix de la prestation ;
2° Soit par application d'une formule représentative de l'évolution du
coût de la prestation. Dans ce cas, la formule de révision ne prend en compte
que les différents éléments du coût de la prestation et peut inclure un terme
fixe ;
3° Soit en
combinant les modalités mentionnées aux 1° et 2° ».
L’article 19 du
code limite strictement les cas « exceptionnels » dans lesquels un
prix provisoire peut être prévu au marché : « 1° Lorsque, pour des prestations complexes ou faisant appel à une
technique nouvelle et présentant soit un caractère d'urgence impérieuse, soit
des aléas techniques importants, l'exécution du marché doit commencer alors que
la détermination d'un prix initial définitif n'est pas encore possible ; 2° Lorsque
les résultats d'une enquête de coût de revient portant sur des prestations
comparables commandées au titulaire d'un marché antérieur ne sont pas encore
connus ; 3° Lorsque les prix des
dernières tranches d'un marché à tranches, tel que défini à l’article 72, sont
fixés au vu des résultats, non encore connus, d'une enquête de coût de revient
portant sur les premières tranches, conclues à prix définitifs ; 4° Lorsque les
prix définitifs de prestations comparables ayant fait l'objet de marchés
antérieurs sont remis en cause par le candidat pressenti ou par le pouvoir
adjudicateur, sous réserve que ce dernier ne dispose pas des éléments
techniques ou comptables lui permettant de négocier de nouveaux prix définitifs ».
L’article 19 prescrit que ces
marchés doivent indiquer « 1° Les
conditions dans lesquelles sera déterminé le prix définitif, éventuellement
dans la limite d'un prix plafond ; 2° L'échéance à laquelle devra intervenir un
avenant pour fixer le prix définitif ; 3° Les règles comptables auxquelles le
titulaire devra se conformer ; 4° Les vérifications sur pièces et sur place que
le pouvoir adjudicateur se réserve d'effectuer sur les éléments techniques et
comptables du coût de revient ».
B-
L’obligation d’indemnisation du titulaire du
marché en cas d’aggravation de ses charges
Le titulaire
d’un marché public ne doit en principe réaliser que les prestations prévues au
contrat, qui seules ouvrent droit au paiement du prix. Il arrive néanmoins que
des aléas, qui sont le fait des parties ou qui leur sont extérieurs, viennent
augmenter la masse des prestations par rapport à ce qui était initialement
prévu. La collectivité publique a dans cette hypothèse l’obligation
d’indemniser, sous conditions, le titulaire du marché, non seulement des
prestations supplémentaires réalisées mais aussi, le cas échéant, des frais que
ce surcroît de travail a entraînés.
1)
L’aggravation des charges imputable aux parties
Les prestations
supplémentaires non prévues au contrat doivent d’abord être payées à
l’entreprise si elles ont été réalisées sur ordre écrit et régulier de la
collectivité contractante
. Des
travaux ordonnés par un maître d’œuvre ou une société de contrôle technique,
sans l’accord du maître de l’ouvrage, ne peuvent, en principe, ouvrir droit à
indemnisation (CE, 3 novembre 1979,
Société Entrasudo, rec.
p. 797).
Dans le cadre
d’un marché à prix unitaire, le plus souvent les parties se bornent à appliquer
les nouvelles quantités au prix défini dans le contrat. Ce dernier peut,
néanmoins, organiser cette opération, voire stipuler que, quelle que soit la
variation des quantités livrées et exécutées, elle ne peut donner lieu à
indemnisation. Dans ce dernier cas, l’entreprise ne peut être indemnisée que si
l’augmentation de la masse des travaux est imputable à une faute de
l’administration ou bouleverse l’économie du contrat (CE, 11 février 1983,
Société Entreprise Caroni, rec. p.
59).
Dans le cadre
d’un marché forfaitaire, le titulaire du marché n’a pas droit, en principe, à
un supplément de prix. Le prix contractuellement défini est en effet censé
couvrir toutes les charges liées à l’exécution du marché, y compris les
prestations supplémentaires qui s’avèreraient nécessaires à sa bonne exécution
(CAA Bordeaux, 22 juin 1998, Société des grands travaux de l’Océan Indien).
Néanmoins, si les prestations supplémentaires résultent d’un ordre écrit et
régulier de la collectivité publique contractante, le titulaire doit en être
indemnisé.
La question est
plus délicate si les prestations complémentaires sont réalisées à l’initiative
de l’entreprise titulaire du marché. En principe, dès lors que son intervention
est limitée à ce qui est prévu au contrat et à ce qui lui est prescrit par les
ordres de service, le cocontractant ne peut être payé des prestations
complémentaires qu’il a livrées ou exécutées de sa propre initiative. Depuis un
arrêt du 17 octobre 1975 (CE, Commune de Canari, AJDA, 1975, p. 233), peuvent néanmoins être indemnisés les
travaux « indispensables à la bonne exécution des ouvrages compris dans
les prévisions du marché ». Seule l’opposition expresse du maître de
l’ouvrage à la réalisation de ces travaux peut faire obstacle à leur paiement
(CE, 2 juillet 1982, Société routière Colas, rec. p. 21).
2)
L’aggravation des charges extérieures aux
parties
Il s’agit là principalement
de la mise en œuvre de la théorie des sujétions imprévues. Cette théorie est
propre aux marchés de travaux publics. Toutefois, la rédaction de l’article 20
du code qui interdit de bouleverser l'économie du marché ou en changer l'objet
« sauf sujétions techniques
imprévues » pourrait être de nature à introduire la notion pour
d'autres marchés que ceux de travaux.
Les sujétions imprévues que le maître de
l'ouvrage doit indemniser sont celles que le Conseil d'Etat interprète comme
dépassant la commune intention des parties car elles impliquent l'utilisation
de techniques plus onéreuses, ou entraînent des travaux supplémentaires
indispensables de même nature (CE, 22 décembre 1976, Depussé, n° 94998, rec. p. 575). En pratique, il faut que
l'économie du contrat soit bouleversée (CAA Paris, 5 mars 2002, Société générale des entreprises Quillery et
Cie, n° 97PA02178).
Quant
aux conditions, les sujétions doivent être :
-
exceptionnelles ;
-
imprévisibles ;
-
et extérieures aux parties (CE 30
juillet 2003, Commune de Lens, n°
223445).
Cette théorie
permet d’obtenir un relèvement du prix du marché pour compenser le surcoût
entraîné par les contraintes imprévues rencontrées par le titulaire du marché.
Les théories du
fait du prince et de l’imprévision (CE, 30 mars 1916, Compagnie générale
d’éclairage de Bordeaux)
peuvent également fonder l’indemnisation du cocontractant. Elles impliquent
néanmoins que les conditions de leur mise en œuvre soient réunies.
La théorie du
fait du prince constitue une hypothèse de responsabilité sans faute de
l’administration tenue de réparer les conséquences dommageables de ses
décisions et comportements dans l’exécution du contrat et qui ne pouvaient être
prévues au moment de la conclusion de celui-ci. Le fait dommageable doit être
une mesure de l'autorité contractante prise en tant que puissance publique et
non un aléa purement économique. La mesure doit bouleverser l’économie du
contrat. Si la mesure est prise par une autre personne morale, le dommage
résulte d'une imprévision (CF infra).
Si la théorie joue, l'indemnisation du cocontractant est intégrale (CE
23 janvier 1963, Société des alcools
du Vexin, rec. p. 50).
L'imprévision,
repose sur l'idée que des charges extracontractuelles de l'entreprise doivent
être couvertes par l'administration afin d'assurer la continuité du service
public.
Elle suppose
plusieurs traits :
- un
bouleversement de l'économie du contrat entraînant un déficit pour le
cocontractant ;
- l'imprévisibilité
des circonstances et du bouleversement ;
- l'extériorité
du bouleversement, mais pas son irrésistibilité ;
- la
possibilité de continuer l'exécution du contrat.
Lorsque ces
circonstances sont réunies, l'administration est tenue d'indemniser le
cocontractant quand bien même le prix du marché serait forfaitaire. S’agissant
du montant de l’indemnité, celle-ci ne peut couvrir que les pertes, la charge
étant considérée comme extracontractuelle car excédant ce qui était
envisageable par les parties, et non le manque à gagner.
Chapitre
2 : L’exécution financière
Les relations
financières entre l’acheteur public et le titulaire du marché se résument, pour
l’essentiel, au règlement du prix qui manifeste, lorsque celui-ci est soldé, la
fin des relations contractuelles. Mais avant d’en arriver à ce stade d’exécution
du marché, chacune des parties a du, en amont, se donner les moyens financiers
de lancer l’opération et, pour l’entreprise, d’y répondre. En aval du règlement
du marché, l’administration doit libérer des garanties que son cocontractant a
été contraint de constituer.
Section
1 : Le financement du marché
Le lancement
d’un marché public implique, pour la collectivité publique, qu’elle dispose des
crédits nécessaires au règlement des sommes que la conclusion et l’exécution de
ce marché engendrent. Il est de ce fait nécessaire qu’en amont du marché la
collectivité puisse mobiliser les financements et les inscrive à son budget.
Parallèlement, l’entreprise qui se voit attribuer le marché doit, avant même de
commencer à exécuter ses prestations, mobiliser des fonds lui permettant
d’acquérir les matériaux ou matériels nécessaires à la réalisation de l’ouvrage
ou à l’exécution des prestations. La question du financement du marché concerne
donc autant l’acheteur public que son cocontractant.
§ 1 : Le
financement du marché public par l’acheteur public
Une collectivité
publique ne peut, à l’évidence, conclure un marché public si elle ne dispose
pas des crédits nécessaires à la couverture des dépenses qu’il induit. Les
sources du financement apparaissent alors de deux types. Il peut s’agir de
ressources endogènes, c'est-à-dire de ressources que la collectivité tire de
ses propres moyens et compétences. Mais il peut s’agir également de ressources
exogènes, la collectivité faisant alors appel au soutien d’organismes qui lui
sont extérieurs.
A-
Les financements endogènes
Il s’agit ici
d’un financement strictement budgétaire. La collectivité publique puise dans
ses ressources propres pour financer le marché. Ces ressources proviennent,
pour l’essentiel, de l’impôt, mais également des redevances perçues sur les
usagers des services publics gérés par la collectivité. A cela peuvent être
ajoutées, s’agissant des collectivités locales, les subventions de l’Etat
(dotation globale d’équipement, dotation globale de fonctionnement, dotation de
solidarité urbaine) et les financements d’origine communautaire provenant
notamment du fonds européen de développement régional.
Par ailleurs, en
matière de comptabilité publique, le paiement d’une somme ne peut intervenir
avant que la prestation due n’ait été réalisée. C’est la règle du paiement
après service fait.
De plus,
l’article 96 du code des marchés publics dispose qu’ « Est interdite l'insertion dans un marché de
toute clause de paiement différé ». Cette prohibition vise à éviter ce
qui pourrait constituer un endettement occulté des collectivités publiques.
Pourtant, il peut s’avérer utile
de déroger à la règle du service fait pour permettre au titulaire de ne pas
recourir seul par sa trésorerie à l’acquisition du matériel ou des matériaux
nécessaires à la réalisation du marché. Aussi, les articles 87 à 90 du code des
marchés publics fixent un système de versement d’avances.
1)
Les avances
Le régime des avances est fixé
par l’article 87 du code : « I.
- Une avance est accordée au titulaire d'un marché lorsque le montant initial
du marché ou de la tranche affermie est supérieur à 50 000 Euros HT et dans la
mesure où le délai d'exécution est supérieur à deux mois. Cette avance n'est
due au titulaire du marché que sur la part du marché qui ne fait pas l'objet de
sous-traitance.
Dans le cas d'un marché à bons de commande, comportant un montant
minimum supérieur à 50 000 Euros HT, l'avance est accordée en une seule fois
sur la base de ce montant minimum. Dans le cas d'un marché à bons de commande
ne comportant ni minimum ni maximum, l'avance est accordée pour chaque bon de
commande d'un montant supérieur à 50 000 Euros HT et d'une durée d'exécution supérieure à deux mois.
Dans le cas d'un marché à bons de commande, comportant un montant minimum
supérieur à 50 000 Euros HT, passé en application des articles 7 et 8 et
lorsque chaque service ou organisme procède lui-même au paiement des
prestations qu'il a commandées, le marché peut prévoir que le régime de
l'avance est celui qui relève des dispositions applicables aux marchés à bons
de commande ne comportant ni minimum ni maximum.
Le titulaire peut refuser le versement de l'avance.
II. - Le montant de l'avance est fixé, sous réserve des dispositions du
III du présent article et de celles de l'article 115 :
1° A 5 % du montant initial, toutes taxes comprises, du marché ou de la tranche
affermie si leur durée est inférieure ou égale à douze mois ; si cette durée
est supérieure à douze mois, l'avance est égale à 5 % d'une somme égale à douze
fois le montant mentionné ci-dessus divisé par cette durée exprimée en mois ;
2° Dans le cas d'un marché à bons de commande comportant un montant minimum
supérieur à 50 000 Euros HT, à 5 % du montant minimum si la durée du marché est
inférieure ou égale à douze mois ; si cette durée est supérieure à douze mois,
l'avance est égale à 5 % d'une somme égale à douze fois le montant minimum
divisé par la durée du marché exprimée en mois ;
3° Dans le cas d'un marché à bons de commande ne comportant ni minimum ni maximum
ou qui comporte un minimum et un maximum fixé en quantité, pour chaque bon de
commande d'un montant supérieur à 50 000 Euros HT et d'une durée d'exécution
supérieure à deux mois, à 5 % du montant du bon de commande si la durée prévue
pour l'exécution de celui-ci est inférieure ou égale à douze mois ; si cette
durée est supérieure à douze mois, l'avance est égale à 5 % d'une somme égale à
douze fois le montant du bon de commande divisé par la durée prévue pour l'exécution de celui-ci exprimée en mois.
Le montant de l'avance ne peut être affecté par la mise en oeuvre d'une clause
de variation de prix.
III. - Le marché peut prévoir que l'avance versée au titulaire du marché
dépasse les 5 % mentionnés au II.
En tout état de cause, l'avance ne peut excéder 30 % des montants mentionnés au
II.
L'avance peut toutefois être portée à un maximum de 60 % des montants
mentionnés ci-dessus, sous réserve que le titulaire constitue une garantie à
première demande conformément aux dispositions de l'article 90.
Le taux et les conditions de versement de l'avance sont fixés par le marché.
Ils ne peuvent être modifiés par avenant.
IV. - Les dispositions du présent article s'appliquent aux marchés
reconductibles, sur le montant de la période initiale et aux marchés reconduits,
sur le montant de chaque reconduction.
V. - Le marché peut prévoir le versement d'une avance dans les cas où elle
n'est pas obligatoire ».
Cet article doit
être lu à la lumière des dispositions du plan de relance de l’économie
, et de
la circulaire du Premier Ministre du 19 décembre 2008, en pratique le régime
des avances est le suivant :
a- Pour l’Etat
et ses établissements publics nationaux :
Pour les marchés
en cours d’exécution d’un montant compris entre 20 000 € HT et
50 000 € HT, et dont le délai d’exécution ne dépasse pas deux
mois, si l’entreprise en fait la demande, le versement obligatoire de l’avance
est de 20 % minimum ou d’un complément pour atteindre ce taux avec effet
rétroactif
.
Pour les marchés
en cours d’exécution d’un montant compris entre 20 000 € HT et
50 000 € HT, et dont le délai d’exécution est supérieur à deux
mois, si l’entreprise en fait la demande, le versement obligatoire de l’avance
est de 20 % minimum ou d’un complément pour atteindre ce taux avec effet
rétroactif.
Pour les marchés
en cours d’exécution d’un montant supérieur à 50 000 € HT, dont le délai
d’exécution ne dépasse pas deux mois, si l’entreprise en fait la demande, le
versement obligatoire de l’avance est de 20 % minimum ou d’un complément pour
atteindre ce taux avec effet rétroactif.
Pour les marchés
en cours d’exécution d’un montant supérieur à 50 000 € HT dont le délai
d’exécution dépasse deux mois, si l’entreprise en fait la demande, le versement
obligatoire d’un complément pour atteindre les 20 % avec effet rétroactif.
Pour les marchés
à venir, le montant de l’avance
est de 20% du montant du marché, quelque soit sa durée d’exécution et son
montant
.
b- Pour les
collectivités locales et les établissements publics locaux
Pour les marchés
en cours d’exécution d’un montant compris entre 20 000 € HT et 50 000 € HT, dont le délai n’excède
pas deux mois, l’entreprise, à sa demande, bénéficie du versement facultatif
d’une avance ou d’un complément rétroactif.
Pour les marchés
en cours d’exécution d’un montant compris entre 20 000 € HT et 50 000 € HT, dont le délai d’exécution
excède deux mois, l’entreprise, à sa demande, bénéficie du versement facultatif
d’une avance ou d’un complément rétroactif.
Pour les marchés
en cours d’exécution d’un montant supérieur à 50 000 € HT avec un
délai d’exécution n’excédant pas deux mois, l’entreprise, à sa demande,
bénéficie du versement facultatif d’une avance ou d’un complément rétroactif.
Pour les marchés
en cours d’exécution d’un montant supérieur à 50 000 € HT, avec un
délai d’exécution excédant deux mois, l’entreprise, à sa demande, bénéficie du
versement facultatif d’un complément rétroactif.
Pour les marchés
à venir d’un montant compris entre 20 000 € HT et 50 000 €HT, dont le délai
d’exécution n’excède pas deux mois, le versement d’une avance revêt un
caractère facultatif.
Pour les marchés
à venir d’un montant compris entre 20 000 € HT et 50 000 €HT, dont le délai
d’exécution excède deux mois, le versement d’une avance revêt un caractère
facultatif.
Pour les marchés
à venir d’un montant supérieur à 50 000 €HT, avec un délai
d’exécution n’excédant pas deux mois, le
versement d’une avance revêt un caractère facultatif.
Pour les marchés
à venir d’un montant supérieur à 50 000 €HT, avec un délai d’exécution excédant deux mois, le pouvoir adjudicateur à
l’obligation de verser une avance d’un montant de 5% minimum.
Leurs conditions
de versement, la détermination de leur montant et les modalités de leur
remboursement obéissent à des règles strictes (article 88 et suivants du code).
2)
Les acomptes
L’article 91 du code des marchés
publics dispose : « Les
prestations qui ont donné lieu à un commencement d'exécution du marché ouvrent droit à des acomptes.
Le montant d'un acompte ne peut excéder la valeur des prestations auxquelles il
se rapporte.
La périodicité du versement des acomptes est fixée au maximum à trois mois.
Lorsque le titulaire est une petite ou moyenne entreprise au sens de l'article
48, une société coopérative ouvrière de production, un groupement de
producteurs agricoles, un artisan, une société coopérative d'artisans, une
société coopérative d'artistes ou une entreprise adaptée, ce maximum est ramené
à un mois pour les marchés de travaux. Pour les marchés de fournitures et de
services, il est ramené à un mois à la demande du titulaire ».
A la différence
du versement d’avances, les acomptes constituent un mode de règlement du prix
du marché dans la mesure où ils font suite à un commencement d’exécution des
prestations. L’acompte ne doit pas excéder la valeur des prestations auxquelles
il se rapporte car l’acompte rémunère un service fait. Le versement des
acomptes est un droit.
Dans les marchés
de travaux
, c’est à l’entrepreneur
qu’incombe la présentation au maître d’œuvre d’un projet de décompte pour le
paiement des acomptes. Le maître d’œuvre procède à sa vérification et en déduit
le cas échéant des pénalités de retard. Une fois vérifié, corrigé et accepté,
le projet de décompte devient le décompte mensuel sur la base duquel le
paiement de l’acompte peut être effectué. Le décompte fait ainsi apparaître le
montant de l’acompte, l’effet de l’actualisation, le montant de
la TVA et le montant de l’acompte
total à régler. Le décompte mensuel doit être notifié à l’entrepreneur par
ordre de service.
Compte tenu de
l’étroitesse des marges de manœuvre dégagées par ces financements exogènes, les
collectivités publiques sont contraintes, notamment pour les opérations
d’envergure, de se tourner vers les financements exogènes.
C-
Les financements exogènes
Le
particularisme des acheteurs publics, notamment le fait que les voies
d’exécution ne puissent être utilisées à leur encontre, justifie une adaptation
du droit cambiaire aux spécificités des collectivités publiques. Depuis les
lois de décentralisation, les collectivités locales ont la possibilité
d’emprunter à l’établissement bancaire de leur choix, à des taux qu’elles sont
libres de négocier.
§ 2 : le
financement bancaire du marché public
Pour pouvoir
exécuter un marché public dans des conditions financières satisfaisant, les
entreprises doivent pouvoir bénéficier de soutiens bancaires facilement
mobilisables.
Le bordereau de
cession de créances professionnelles est un écrit par lequel une personne, le
cédant, transfère à un établissement de crédit, le cessionnaire, la propriété
de créances professionnelles déterminées afin de garantir un crédit consenti au
cédant par le cessionnaire.
La loi du 2
janvier 1981 dite « loi Dailly »
a institué ce mécanisme de mobilisation des créances. Rencontrant peu de
succès, certaines améliorations lui ont été apportées par la loi bancaire du 24
janvier 1984. Ces lois ont été codifiées aux articles L. 313-23 (« Tout crédit qu'un établissement de crédit
consent à une personne morale de droit privé ou de droit public, ou à une
personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle,
peut donner lieu au profit de cet établissement, par la seule remise d'un
bordereau, à la cession ou au nantissement par le bénéficiaire du crédit, de
toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers, personne morale de droit
public ou de droit privé ou personne physique dans l'exercice par celle-ci de
son activité professionnelle ») et suivants du code monétaire et
financier.
Dès lors, la
remise du bordereau Dailly du cédant au cessionnaire permet de réaliser une
cession ou un nantissement. Nous n’envisagerons ici que la question de la
cession d’une créance d’une personne privée à l’encontre d’une personne
publique selon les modalités de la loi Dailly. Nous n’aborderons donc que la
cession à titre d’escompte. Dans cette hypothèse, le banquier avance au cédant
le montant des créances dont la propriété lui est transférée et dont le
paiement contribuera à assurer le remboursement. Les créances cédées sont
précisément celles dont le montant est avancé.
Initialement, le
législateur avait prévu la possibilité de céder une créance née de rapports
juridiques avec une personne publique. Les entreprises se sont pourtant
heurtées à l’opposition de l’administration à faire droit aux cessions Dailly.
Néanmoins, le principe de l’application de ladite cession aux créances
administratives a été clairement admis.
A la suite de
l’adoption de la loi Dailly, les entreprises titulaires de créances sur des
personnes publiques ont voulu utiliser ce système de mobilisation.
Cependant
l’administration a refusé l’application du mécanisme aux créances
administratives. Les comptables publics refusaient systématiquement les
notifications de cession faites dans les formes instituées par la loi du 2
janvier 1981. Ils invoquaient, à l’appui de leur refus, le fait qu’aucune
disposition n’organisait expressément cette cession en droit administratif.
Cependant, ce refus n’était guidé par aucun principe général dirimant.
Or, en droit
administratif, dans le silence des textes, il n’existe aucun principe qui
justifierait un refus tacite de la cessibilité des créances publiques.
Malgré ce refus
de principe de la part de l’administration, la jurisprudence n’a pas tardé à admettre la possibilité de céder une
créance de nature administrative par bordereau Dailly.
Le Tribunal
administratif de Versailles
a
considéré qu’«
Il résulte des termes mêmes de la loi ainsi que des
travaux préparatoires que le législateur a entendu faciliter les procédures de
cession et de nantissement avec une personne morale de droit public ;
qu’ainsi la loi s’applique à l’ensemble des créances professionnelles
susceptibles d’être détenues sur une personne publique ».
Cette solution a
été confirmée par
la Cour
administrative d’appel de Paris dans un arrêt en date du 26 septembre 1991
.
Qui plus est, le
Conseil d’État a, dans un arrêt du 7 avril 2004
,
affirmé que «
La cession Dailly ne
se limite pas aux créances de nature contractuelle ». En conséquence,
force est de reconnaître qu’aucun principe d’incessibilité des créances
publiques n’a été mis en exergue. Aucun texte ni aucune décision
juridictionnelle n’a consacré un tel principe général. Ces décisions
s’appliquent donc de façon générale.
Désormais, les
articles 106 et suivants du code des marchés publics organisent le régime des
cessions issues des marchés publics.
Le droit
administratif impose le respect de certains principes s’agissant des modalités
d’exercice de la cession par bordereau Dailly d’une créance résultant d’un acte
administratif.
En outre, les
modalités de mise en œuvre d’une telle cession sont susceptibles d’être
aménagées eu égard à la nature publique de la créance concernée.
Le but du
législateur était d’instaurer un mécanisme de cession de créance assorti d’un
formalisme minimum afin de faciliter la mobilisation.
L’article L.
313-23 du code monétaire et financier dresse donc la liste des mentions
obligatoires devant figurer sur le bordereau de cession : dénomination de
l’acte, mention que l’acte est soumis aux dispositions de la loi Dailly, nom ou
dénomination sociale de l’établissement de crédit bénéficiaire, désignation ou
individualisation des créances cédées ou des éléments susceptibles d’effectuer
cette désignation ou cette individualisation.
La jurisprudence
administrative applique avec une certaine rigueur ces dispositions. Ainsi,
la Cour administrative d’appel
de Paris
a jugé que dans la mesure
où un acte de cession ne comportait aucune des mentions imposées par l’article
1
er de la loi de 1981, «
la cession de créance concernée
relevait donc des dispositions de l’article 1690 du Code civil ».
En revanche,
lorsqu’une mention ne figure pas dans la liste dressée dans l’article L. 313-23
du code monétaire et financier, le juge administratif est plus souple sur les
effets de son omission. Il a considéré que le fait que le bordereau Dailly ne
comportait pas la date de la cession dans le cadre réservé à cet effet pour le
cessionnaire, mais apposée au-dessus de la signature du cédant, n’avait pas
pour effet de l’entacher d’irrégularité
.
L’article L.
313-28 du code monétaire et financier dispose que « L’établissement de crédit peut, à tout moment, interdire au débiteur de
la créance cédée ou nantie de payer entre les mains du signataire du bordereau.
A compter de cette notification, le débiteur ne se libère valablement qu’auprès
de l’établissement de crédit ».
La notification
du bordereau correspond donc à une interdiction de payer entre les mains du
cessionnaire. Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 19 mars 2001
, a
d’ailleurs affirmé qu’à partir du moment où une cession de créance avait été
notifiée à la personne publique, celle-ci ne pouvait plus se libérer
valablement de sa dette, à compter de la date de notification, qu’auprès de
l’établissement de crédit. A compter de la notification, la personne publique
devient débitrice du cessionnaire. Pour autant, la procédure de notification à
la personne publique de la cession présente des difficultés.
En effet, la loi
Dailly autorise la cession de créances résultant d’actes à intervenir. La loi
de 1984 a
précisé que la cession pouvait porter sur des créances à terme, mais dont le
montant et l’exigibilité ne sont pas encore déterminés. Néanmoins, les créances
doivent présenter un caractère de probabilité suffisant.
L’application de
cette possibilité pourrait se heurter au principe du « service fait ». Selon cette
théorie, les opérations d’ordonnancement et de paiement ne sont autorisées
qu’au vu de la réalisation des prestations ou des conditions incluses dans l’acte.
La situation de
l’Etat débiteur se caractérise par sa complexité juridique. Elle trouve sa
source dans une obligation légale, contractuelle ou délictuelle, mais se résout
en une opération de dépense publique, de sorte qu’elle participe d’une part du
droit des obligations et que d’autre part elle est soumise aux règles
d’exécution du budget.
En matière de
cession de créance, c’est le principe de séparation des ordonnateurs et des
comptables, principe fondamental de la comptabilité publique, qui soulève des
difficultés pratiques.
Comme nous
l’avons vu, la notification interdit au débiteur cédé de se libérer dans
d’autres mains que celles du cessionnaire : elle correspond à une
interdiction de payer, ce qui justifie qu’elle soit faite auprès du comptable
public.
En effet, les
missions du comptable public sont définies par les articles 11, 12 et 13 du
décret du 29 décembre 1962. Il a ainsi l’obligation :
-
de prendre en charge et recouvrer les recettes des
organismes publics, de payer les dépenses, d’assurer la conservation des fonds
et valeurs dont les organismes publics sont dépositaires, d’assurer le
maniement des fonds, de tenir la comptabilité relative aux opérations
effectuées, de conserver les pièces justificatives des opérations exécutées ;
-
ils doivent, également, exercer un contrôle de
régularité des ordres de recettes et de dépenses qui sont émis par les
ordonnateurs.
Le juge
administratif a voulu atténuer les rigueurs des règles de la comptabilité
publique en consacrant des solutions favorables au cessionnaire.
La Cour administrative d’appel a
ainsi admis qu’il pesait sur l’ordonnateur une obligation de transmission de la
notification au comptable
.
Cette solution a fait l’objet d’importantes critiques dans la mesure où la
solution retenue par
la Cour
administrative d’appel ne s’appuyait sur aucun fondement textuel.
Néanmoins, cette
solution, posée de façon prétorienne, a l’avantage de simplifier les procédures
administratives Il ne paraît pas choquant d’imposer aux services d’une même
administration d’assurer une certaine coordination entre eux. Le refus peut se
produire lorsque l’ordonnateur estime que les conditions incluses dans l’acte
ne sont pas réalisées. A l’inverse, l’établissement de crédit, cessionnaire et
propriétaire de la créance, peut soutenir que les conditions permettant
l’ordonnancement de la dette sont bien remplies et sollicité, à ce titre, le
paiement. Dès lors, le contentieux porte sur les conditions incluses dans un
acte de droit public qui emporte la compétence de la juridiction
administrative.
Aujourd’hui, le code impose par
son article 107 que « Le
bénéficiaire d'une cession ou d'un nantissement de créance au titre d'un marché
public notifie ou signifie cette cession ou ce nantissement au comptable public
assignataire. Ce bénéficiaire encaisse seul, à compter de cette notification ou
signification au comptable, le montant de la créance ou de la part de créance
qui lui a été cédée ou donnée en nantissement ».
Section
2 : Le règlement des marchés publics
Le comptable
public est chargé, au vu du mandat qui lui a été transmis par l’ordonnateur, de
payer le marché. Mais il est tenu de s’assurer, avant de payer, que la dépense
est régulière. Il dispose pour cela des pièces justificatives que lui a
transmises l’ordonnateur. Les articles 91 et suivants du code des marchés
publics organisent le régime spécifique des paiements des marchés.
§ 1 : Le
régime des paiements prévu par le code des marchés publics
Il est
réglementé par les articles 92 et suivants du code des marchés publics.
Notamment, l’article 96 dispose qu’ « Est interdite l'insertion dans un marché de
toute clause de paiement différé ».
En revanche, il
est possible de prévoir un paiement échelonné. Par exemple, si le marché
prévoit l’échelonnement dans le temps des phases successives d’exécution, le
paiement échelonné du marché est autorisé, mais à deux conditions. Il faut
d’abord que le marché prévoie les dates de paiement avant lesquelles aucune
créance ne peut devenir exigible, ni aucun intérêt moratoire commencer à courir.
Il faut, d’autre part, que le montant des versements échelonnés corresponde au
coût des prestations réellement exécutées.
S’agissant des délais de
paiement, l’article 98 prévoit que « Le
délai global de paiement d'un marché public ne peut excéder :
1° 30 jours pour l'Etat et ses établissements publics autres que ceux
ayant un caractère industriel et commercial et autres que ceux mentionnés au 3° ;
2° 45 jours pour les collectivités territoriales et les établissements publics
locaux autres que ceux mentionnés au 3°
Ce délai est ramené à :
a) Quarante jours à compter du 1er janvier 2009 ;
b) Trente-cinq jours à compter du 1er janvier 2010 ;
c) Trente jours à compter du 1er juillet 2010.
3° 50 jours pour les établissements publics de santé et les établissements du
service de santé des armées ».
Le dernier alinéa de l’article
fixe une sanction en cas de non respect du délai global de paiement :
«
Le dépassement du délai de
paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché
ou le sous-traitant, le bénéfice d'intérêts moratoires, à compter du jour
suivant l'expiration du délai »
.
L’article 45 du
décret n° 2008-1355 du 19 décembre 2008 de mise en œuvre du plan de relance
économique dans les marchés publics précise que ces nouveaux délais sont
applicables aux marchés dont la procédure de consultation est engagée ou dont
l’avis d’appel public à la concurrence est envoyé à la publication :
-
à compter du 1er janvier 2009 et jusqu’au 31
décembre 2009 en ce qui concerne les dispositions du a) ;
-
à compter du 1er janvier 2010 et jusqu’au 30
juin 2010 en ce qui concerne les dispositions du b) ;
-
à compter du 1er juillet 2010 en ce qui
concerne les dispositions du c).
Les modalités de
calcul du point de départ du délai global de paiement, les intérêts moratoires et les modalités
d’intervention du comptable public sont réglementés par le décret n° 2002- 32 du
21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans
les marchés publics.
2 : Les modalités de paiement
Le paiement des
sommes dues par l’administration à un de ses créanciers, titulaire d’un marché
ou sous-traitant est, en générale, opéré par virement bancaire. C’est le
comptable qui effectue le virement, le Trésor public créditant ensuite le compte
bancaire de l’entreprise.
La compensation reste le seul moyen alternatif de paiement des marchés
publics. Le Code civil définit la compensation comme le moyen, pour deux
personnes qui se trouvent débitrices l’une envers l’autre, d’opérer une
extinction réciproque des dettes à concurrence de leur quotité respective (articles
1289 et 1290 du Code civil). Dès
lors qu’elle remplit certaines conditions, la compensation peut valablement
être utilisée par les personnes publiques pour apurer les dettes et les créances
nées d’un marché public. Les deux conditions sont les suivantes. Les créances
doivent, d’une part, être certaines, liquides et exigibles (CE, 8 février 1989,
OPAC de Meurthe-et-Moselle, rec.
p. 784). Les dettes et les créances sur lesquelles porte la compensation
doivent, d’autre part, être de même nature, c'est-à-dire trouver leur source
dans un acte de même nature, contrat ou obligation fiscale par exemple (CE, 22
juin 1987, Commune de Rambouillet c/ Van de Maele, rec.
p. 625). L’ordonnateur n’a jamais l’obligation de relever la
compensation. Le comptable, en revanche, ne peut pas renoncer à l’opposer. Il
s’agit au demeurant d’un moyen qui lui permet, lorsqu’une créance n’est pas
recouvrée, de limiter sa responsabilité pécuniaire. En pratique, compte tenu
des conditions de mise en œuvre de ce système, ce moyen est très peu usité par
les acheteurs publics.
Néanmoins, une cour d’appel a jugé que le paiement
de factures émises par le cessionnaire vaut accord tacite, CAA, Paris
23 mars 2005, Société Sita
Île-de-France, n° 00PA01867.
Par exemple, un raz de marée qui a provoqué
l’effondrement d’une digue et du remblai construit en vue de l’extension de
l’aéroport de Nice, CE, 11 décembre 1991, SARL niçoise pour l’extension de
l’aéroport, rec. p. 430.
Article 2.51 du CCAG travaux : « Les ordres de service sont écrits ; ils sont
signés par le maître d'oeuvre, datés et numérotés. Ils sont adressés en deux
exemplaires a l'entrepreneur ; celui-ci renvoie immédiatement au maître
d'oeuvre l'un des deux exemplaires après l'avoir signé et y avoir porté la date
à laquelle il l'a reçu ».
Décret n° 2008-1355 du 19 décembre 2008 de mise en œuvre du plan de
relance économique dans les marchés publics. Les dispositions s’appliquent
aux marchés en cours d’exécution le 21/12/2008 ou notifiés au plus tard le
31/12/2009. La notion de « marché en cours d'exécution » s'entend
d'un marché dès lors qu'il est notifié.
Cette obligation ne concerne que les marchés
inférieurs à 5 millions d’euros HT. Pour les marchés d’un montant supérieur à
ce seuil, il ne s’agit que d’une simple faculté. Le versement de l’avance avec
un caractère rétroactif s’applique aux marchés en cours d’exécution à la date
d’entrée en vigueur du décret ou notifiés au plus tard le 31/12/2009. Il
suppose la passation d’un avenant afin de modifier les conditions initiales de
versement de l’avance et de bénéficier des dérogations accordées par le décret.
Le taux de l’avance minimum était de 5%.