mercredi 20 juillet 2016

LES ACCESSOIRES EN DROIT DES BIENS

LES ACCESSOIRES EN DROIT DES BIENS
  Règle : « l'accessoire suit le principal ». L’article 546 du Code civil dispose « La propriété d'une chose, soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu'elle produit et sur ce qui s’y unit accessoirement, naturellement ou artificiellement ». Article 546 al. 2 : « ce droit s'appelle droit d'accession ». Il y a deux types d'accessoire :


Ce que produit la chose : les fruits et les produits
Fruits : loyer, récolte.
Produits : éléments qui épuisent la substance de la chose principale (matériaux extraits d'une carrière).

Ce qui s'unit à la chose (incorporation). On peut dans une convention contraire prévoir une dissociation.

Dissociation mobilière (la chose principale est un meuble) : article 565 à 577 du Code civil. Le sort de la chose mobilière accessoire est réglé par un contrat ou par le jeu de l'article 2279 al. Ier : celui qui a un accessoire entre les mains en est propriétaire.

Dissociation immobilière (la chose principale est un immeuble) : les phénomènes naturels d'accession sont pris en compte par le droit : les animaux sauvages qui arrivent naturellement sur le terrain d'un propriétaire, sont la propriété de ce propriétaire (article 564). Les alluvions sont considérées comme appartenant au propriétaire du terrain. La chose installée par la main de l'homme sur un terrain (plantations, constructions, ouvrages) sont considérées comme appartenant au propriétaire du sol, sauf preuve contraire.
Il peut arriver que le propriétaire utilise des matériaux qui appartiennent à un tiers. L'article 554 prévoit le remboursement ou même des dommages-intérêts en cas de préjudice.
Le droit de propriété appartient au seul propriétaire du sol, le propriétaire des matériaux n'a pas le droit de revendiquer ses matériaux, quand ils font partie du sol du propriétaire du sol.
Il peut arriver qu’un tiers fasse des constructions sur le terrain d'autrui. C'est l'article 555 du Code civil qui prévoit les solutions.


1 - Domaine d'application de l'article 555 du Code civil

Qui est le tiers de l'article 555 du Code civil ?

Au sens étroit, les tiers sont ceux qui n'ont aucun lien contractuel avec le propriétaire du terrain. Sont tiers tous ceux qui ne sont pas propriétaires du terrain.

Au sens large (retenu par la jurisprudence) selon le droit commun général qui donne une large portée à l'article 555 du Code civil : sont tiers, tous ceux qui ne sont pas propriétaires du terrain (possesseur à titre de propriétaire, détenteur réel...).

Selon le droit commun supplétif, l'article 555 sera écarté chaque fois qu'un texte ou une convention aura réglé la question. Ainsi l'article 555 du code civil ne s'applique pas pour le contrat d'emphytéose, le bail commercial qui sont desEx: conventions qui règlent expressément le sort des constructions ou des plantations qui seraient faites par un non propriétaire sur le sol du propriétaire (les parties anticipent le problème).


Problème : que se passe-t-il quand on n'a pas anticipé ?

Le propriétaire et le planteur sont liés par un contrat, mais ils ne prévoient pas le sort d'éventuelles constructions ou plantations. Deux présentations possibles du phénomène. En jurisprudence : on considère que l'article 555 s’appliquait chaque fois qu'il n'y a pas de solution.

Le constructeur n'est pas un tiers, donc on ne peut pas lui appliquer l'article 555 du Code civil. Il faut trouver une solution équilibrée en s'inspirant du principe de l'article 555.
Le cocontractant est un tiers parce qu'on retient une conception large de la notion de tiers. Donc, ici, si le contractant est un tiers, il y aura application de l'article 555.



2. Mécanisme de l'article 555 du Code civil

Par le phénomène de l’accession, la propriété du terrain va s’étendre sur les constructions ou plantations faites par quelqu’un d’autre => c’est une sorte de phénomène d’aspiration.
Mais ces accessoires n’ayant pas été mis par le propriétaire, celui-ci peut refuser le jeu de l’accession :

-- 1ère possibilité : garder la construction :
Le propriétaire laisse l’accession se faire. Il doit dès lors rembourser le prix des accessoires. Il a un choix sur la somme à rembourser (article 555 al.3) il peut :
- rembourser la plus value procurée au fond par implantation de l’accessoire,
- rembourser le coût des matériaux et de la main d’œuvre (à la date de remboursement).
Il y a un souci d’équité. L’indemnité suit le mécanisme de la dette de valeur : on va regarder quelle valeur cela représente et on va actualiser cette valeur. Mais on donne l’avantage au propriétaire, on lui permet de choisir entre ces 2 sommes (la + faible normalement).


-- 2e possibilité : refuser l’accession
La loi lui permet d’exiger l’enlèvement par celui qui a implanté ces accessoires, au frais du constructeur/planteur. Ce dernier ne peut demander aucune indemnité. Le constructeur pourra même demander réparation du préjudice qui en découle.
-> cela semble injuste si le constructeur/planteur était de bonne foi (s’il croyait être propriétaire du sol, s’il a acquis a non domino, si le titre vient à être annulé ou résolu).
-> mais l’alinéa 4 de 555 envisage cette solution : on enlève au propriétaire le droit d’exiger l’enlèvement des constructions si le constructeur/planteur était de bonne foi. Cela montre que le législateur tente un équilibre.
On peut en déduire que la possibilité d’exiger l’enlèvement des accessoires est une sanction que le propriétaire peut infliger au constructeur/planteur qui n’est pas de bonne foi.

Cette notion de bonne foi, selon ce texte, vise un tiers évincé qui n’aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits. Cela renvoi à d’autres textes : 550 et 549 du Code civil. « Peut garder les fruits celui qui est possesseur de bonne foi, c'est-à-dire celui qui possède comme un propriétaire, en vertu d’un texte translatif dont il ignore les vices »
L’article 555 retient la conception large de la notion de tiers. L’alinéa 4 devrait pouvoir s’appliquer largement aux tiers et également à celui qui est locataire du terrain. Mais il y a un problème d’englober le locataire dans ces tiers. Le locataire sait qu’il n’est pas propriétaire, donc il ne peut pas être de bonne foi au sens de 555 al.4.


Peut-on améliorer le sort du locataire en retenant une conception plus contractuelle de la bonne foi ?

Normalement le locataire ne peut pas bénéficier de l’alinéa 4 de 555, il se verra sanctionner par le propriétaire à la fin du bail.
Quelle valeur a cette solution ? 
à On peut faire une distinction :
- dire qu’elle est sévère mais logique et équitable, si le locataire a planté/construit sans demander la permission au propriétaire ;
- penser que la solution est choquante si la plantation/construction a été faite avec l’autorisation du propriétaire. Le bailleur aurait pu donner des conditions (par ex remettre tout en l’état à la fin du bail) mais il y a un problème s’il n’y a pas de condition. On pourrait retenir la conception plus contractuelle en se référant à la loyauté du preneur à bail (si de bonne foi, car il a demandé l’avis du propriétaire).

Cassation 3e Civile 3 octobre 1990 a pris en compte l’accord du bailleur pour considérer que l’article 555 du Code civil va jouer au bénéfice du preneur. En conséquence, le bailleur ne peut exiger l’enlèvement des constructions par le preneur. Cette jurisprudence n’est pas majoritaire, puisque les arrêts récents considèrent que la bonne foi du preneur ne peut s’apprécier qu’en référence à l’article 550 du Code civil et donc le preneur ne possédant pas comme un propriétaire n’est pas de bonne foi (Civil 3ème, 12 juillet 2000)



À quel moment se produit accession ?

L'accession se fait au fur et à mesure de l'incorporation aux constructions, plantations ou ouvrages.

Le locataire, pendant le bail, est propriétaire de ses constructions. Ce différé a été introduit par la jurisprudence :
1ere chambre civile, 1er décembre 1964. En l’absence d’accord des parties, le sort des constructions élevées par le preneur est réglé par l’expiration du bail par l’article 555, al 1er et 2, le preneur reste propriétaire, pendant la durée de la location, des constructions qu’il a édifiées sur le terrain du bailleur. Cette jurisprudence s'est établie petit à petit.
La 3e chambre civile du 4 avril 2002 : réaffirme la jurisprudence 1964 : « le preneur restait propriétaire, pendant la durée de la location, des constructions qu'il avait édifié sur le terrain». Ces arrêts s'appuient sur l'article 555 du Code civil. Or l'article 555 ne semble pas pertinent car, à aucun moment, cet article ne parle du moment de l'accession.

Cette règle de propriété temporaire du preneur constitue une création purement prétorienne. Le propriétaire n’acquiert pas la propriété des constructions, il reste propriétaire de ses constructions. Il reste propriétaire des matériaux, alors même qu'ils sont incorporés à l'immeuble. Le preneur dispose d'un droit de superficie temporaire.


À qui revient l’indemnité relative aux constructions ?

Cette indemnité revient au preneur (conséquences du différé de l'accession). Il peut aussi décider de détruire ces constructions.


LES ACCESSOIRES EN DROIT DES BIENS

LES ACCESSOIRES EN DROIT DES BIENS
  Règle : « l'accessoire suit le principal ». L’article 546 du Code civil dispose « La propriété d'une chose, soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu'elle produit et sur ce qui s’y unit accessoirement, naturellement ou artificiellement ». Article 546 al. 2 : « ce droit s'appelle droit d'accession ». Il y a deux types d'accessoire :


Ce que produit la chose : les fruits et les produits
Fruits : loyer, récolte.
Produits : éléments qui épuisent la substance de la chose principale (matériaux extraits d'une carrière).

Ce qui s'unit à la chose (incorporation). On peut dans une convention contraire prévoir une dissociation.

Dissociation mobilière (la chose principale est un meuble) : article 565 à 577 du Code civil. Le sort de la chose mobilière accessoire est réglé par un contrat ou par le jeu de l'article 2279 al. Ier : celui qui a un accessoire entre les mains en est propriétaire.

Dissociation immobilière (la chose principale est un immeuble) : les phénomènes naturels d'accession sont pris en compte par le droit : les animaux sauvages qui arrivent naturellement sur le terrain d'un propriétaire, sont la propriété de ce propriétaire (article 564). Les alluvions sont considérées comme appartenant au propriétaire du terrain. La chose installée par la main de l'homme sur un terrain (plantations, constructions, ouvrages) sont considérées comme appartenant au propriétaire du sol, sauf preuve contraire.
Il peut arriver que le propriétaire utilise des matériaux qui appartiennent à un tiers. L'article 554 prévoit le remboursement ou même des dommages-intérêts en cas de préjudice.
Le droit de propriété appartient au seul propriétaire du sol, le propriétaire des matériaux n'a pas le droit de revendiquer ses matériaux, quand ils font partie du sol du propriétaire du sol.
Il peut arriver qu’un tiers fasse des constructions sur le terrain d'autrui. C'est l'article 555 du Code civil qui prévoit les solutions.


1 - Domaine d'application de l'article 555 du Code civil

Qui est le tiers de l'article 555 du Code civil ?

Au sens étroit, les tiers sont ceux qui n'ont aucun lien contractuel avec le propriétaire du terrain. Sont tiers tous ceux qui ne sont pas propriétaires du terrain.

Au sens large (retenu par la jurisprudence) selon le droit commun général qui donne une large portée à l'article 555 du Code civil : sont tiers, tous ceux qui ne sont pas propriétaires du terrain (possesseur à titre de propriétaire, détenteur réel...).

Selon le droit commun supplétif, l'article 555 sera écarté chaque fois qu'un texte ou une convention aura réglé la question. Ainsi l'article 555 du code civil ne s'applique pas pour le contrat d'emphytéose, le bail commercial qui sont desEx: conventions qui règlent expressément le sort des constructions ou des plantations qui seraient faites par un non propriétaire sur le sol du propriétaire (les parties anticipent le problème).


Problème : que se passe-t-il quand on n'a pas anticipé ?

Le propriétaire et le planteur sont liés par un contrat, mais ils ne prévoient pas le sort d'éventuelles constructions ou plantations. Deux présentations possibles du phénomène. En jurisprudence : on considère que l'article 555 s’appliquait chaque fois qu'il n'y a pas de solution.

Le constructeur n'est pas un tiers, donc on ne peut pas lui appliquer l'article 555 du Code civil. Il faut trouver une solution équilibrée en s'inspirant du principe de l'article 555.
Le cocontractant est un tiers parce qu'on retient une conception large de la notion de tiers. Donc, ici, si le contractant est un tiers, il y aura application de l'article 555.



2. Mécanisme de l'article 555 du Code civil

Par le phénomène de l’accession, la propriété du terrain va s’étendre sur les constructions ou plantations faites par quelqu’un d’autre => c’est une sorte de phénomène d’aspiration.
Mais ces accessoires n’ayant pas été mis par le propriétaire, celui-ci peut refuser le jeu de l’accession :

-- 1ère possibilité : garder la construction :
Le propriétaire laisse l’accession se faire. Il doit dès lors rembourser le prix des accessoires. Il a un choix sur la somme à rembourser (article 555 al.3) il peut :
- rembourser la plus value procurée au fond par implantation de l’accessoire,
- rembourser le coût des matériaux et de la main d’œuvre (à la date de remboursement).
Il y a un souci d’équité. L’indemnité suit le mécanisme de la dette de valeur : on va regarder quelle valeur cela représente et on va actualiser cette valeur. Mais on donne l’avantage au propriétaire, on lui permet de choisir entre ces 2 sommes (la + faible normalement).


-- 2e possibilité : refuser l’accession
La loi lui permet d’exiger l’enlèvement par celui qui a implanté ces accessoires, au frais du constructeur/planteur. Ce dernier ne peut demander aucune indemnité. Le constructeur pourra même demander réparation du préjudice qui en découle.
-> cela semble injuste si le constructeur/planteur était de bonne foi (s’il croyait être propriétaire du sol, s’il a acquis a non domino, si le titre vient à être annulé ou résolu).
-> mais l’alinéa 4 de 555 envisage cette solution : on enlève au propriétaire le droit d’exiger l’enlèvement des constructions si le constructeur/planteur était de bonne foi. Cela montre que le législateur tente un équilibre.
On peut en déduire que la possibilité d’exiger l’enlèvement des accessoires est une sanction que le propriétaire peut infliger au constructeur/planteur qui n’est pas de bonne foi.

Cette notion de bonne foi, selon ce texte, vise un tiers évincé qui n’aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits. Cela renvoi à d’autres textes : 550 et 549 du Code civil. « Peut garder les fruits celui qui est possesseur de bonne foi, c'est-à-dire celui qui possède comme un propriétaire, en vertu d’un texte translatif dont il ignore les vices »
L’article 555 retient la conception large de la notion de tiers. L’alinéa 4 devrait pouvoir s’appliquer largement aux tiers et également à celui qui est locataire du terrain. Mais il y a un problème d’englober le locataire dans ces tiers. Le locataire sait qu’il n’est pas propriétaire, donc il ne peut pas être de bonne foi au sens de 555 al.4.


Peut-on améliorer le sort du locataire en retenant une conception plus contractuelle de la bonne foi ?

Normalement le locataire ne peut pas bénéficier de l’alinéa 4 de 555, il se verra sanctionner par le propriétaire à la fin du bail.
Quelle valeur a cette solution ? 
à On peut faire une distinction :
- dire qu’elle est sévère mais logique et équitable, si le locataire a planté/construit sans demander la permission au propriétaire ;
- penser que la solution est choquante si la plantation/construction a été faite avec l’autorisation du propriétaire. Le bailleur aurait pu donner des conditions (par ex remettre tout en l’état à la fin du bail) mais il y a un problème s’il n’y a pas de condition. On pourrait retenir la conception plus contractuelle en se référant à la loyauté du preneur à bail (si de bonne foi, car il a demandé l’avis du propriétaire).

Cassation 3e Civile 3 octobre 1990 a pris en compte l’accord du bailleur pour considérer que l’article 555 du Code civil va jouer au bénéfice du preneur. En conséquence, le bailleur ne peut exiger l’enlèvement des constructions par le preneur. Cette jurisprudence n’est pas majoritaire, puisque les arrêts récents considèrent que la bonne foi du preneur ne peut s’apprécier qu’en référence à l’article 550 du Code civil et donc le preneur ne possédant pas comme un propriétaire n’est pas de bonne foi (Civil 3ème, 12 juillet 2000)



À quel moment se produit accession ?

L'accession se fait au fur et à mesure de l'incorporation aux constructions, plantations ou ouvrages.

Le locataire, pendant le bail, est propriétaire de ses constructions. Ce différé a été introduit par la jurisprudence :
1ere chambre civile, 1er décembre 1964. En l’absence d’accord des parties, le sort des constructions élevées par le preneur est réglé par l’expiration du bail par l’article 555, al 1er et 2, le preneur reste propriétaire, pendant la durée de la location, des constructions qu’il a édifiées sur le terrain du bailleur. Cette jurisprudence s'est établie petit à petit.
La 3e chambre civile du 4 avril 2002 : réaffirme la jurisprudence 1964 : « le preneur restait propriétaire, pendant la durée de la location, des constructions qu'il avait édifié sur le terrain». Ces arrêts s'appuient sur l'article 555 du Code civil. Or l'article 555 ne semble pas pertinent car, à aucun moment, cet article ne parle du moment de l'accession.

Cette règle de propriété temporaire du preneur constitue une création purement prétorienne. Le propriétaire n’acquiert pas la propriété des constructions, il reste propriétaire de ses constructions. Il reste propriétaire des matériaux, alors même qu'ils sont incorporés à l'immeuble. Le preneur dispose d'un droit de superficie temporaire.


À qui revient l’indemnité relative aux constructions ?

Cette indemnité revient au preneur (conséquences du différé de l'accession). Il peut aussi décider de détruire ces constructions.


samedi 2 juillet 2016

L'EXECUTION DES MARCHES PUBLICS


SEANCE 4 : L’EXECUTION DES MARCHES PUBLICS


Le Titre IV du code des marchés publics comporte trois chapitres consacrés à l’exécution des marchés publics. Ce découpage rend mal compte de la réalité de l’exécution de cette catégorie de contrat. Si la gestion de leur exécution financière constitue, à l’évidence, une question centrale, elle ne peut être traitée qu’en parallèle avec l’exécution technique qui, en définitive, la précède. Le point commun entre les deux réside dans le fait que les régimes juridiques considérés portent la marque de la puissance publique. Même si l’exécution des marchés publics n’ignore pas le principe posé par l’article 1134 du code civil, qui dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites », force est de constater que leur régime est profondément marqué par les prérogatives que l’administration détient, même dans le silence du contrat, en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs.

Les règles qui encadrent l’exécution des marchés publics sont également contenues dans les pièces constitutives du marché (l’acte d’engagement et les cahiers des charges qui fixent notamment les dispositions techniques nécessaires à l’exécution des prestations du marché) ainsi que, le cas échéant, dans d’autres pièces contractuelles. Compte tenu du principe de liberté contractuelle, les parties au contrat peuvent en effet aménager leurs relations et leurs obligations, sauf dispositions d’ordre public.



Chapitre 1 : L’exécution technique

Quelles que soient les spécificités des marchés publics, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit de contrats nés de la rencontre de volontés. Aussi est-il possible de regrouper les règles qui président à l’exécution technique des marchés publics autour des obligations respectives des parties.

Section 1 : Les obligations du cocontractant de l’Administration

Les entreprises ont l’obligation de réaliser de façon satisfaisante les prestations mises à leur charge. En contrepartie de ces obligations, elles bénéficient d’un droit au maintien de l’équilibre financier du marché dans des conditions d’application différentes selon que les modifications apportées au marché résultent du fait du prince, d’un état d’imprévision, d’un cas de force majeure, de sujétions imprévues ou ont été ordonnées par l’Administration.

Le cocontractant de l’Administration, entrepreneur, fournisseur ou prestataire de services, se trouve enserré dans trois séries de contraintes. Une contrainte organique, d’abord, née du fait qu’il est tenu d’exécuter personnellement le marché. Une contrainte temporelle, ensuite, en ce qu’il est tenu de l’exécuter dans les délais prescrits. Une contrainte matérielle, enfin, dans la mesure où le marché doit être exécuté conformément aux prescriptions techniques et aux ordres de service de l’administration.

§ 1 : L’obligation d’exécution personnelle du marché

Comme tout contractant, l’administration tire du contrat le droit d’exiger de l’autre partie l’exécution de ses obligations telles qu’elles ont été prévues au contrat. Conclus intuitu personae, les marchés publics en particulier, doivent faire l’objet d’une exécution personnelle de la part du cocontractant. Néanmoins, certaines dérogations (hors le cas de la sous-traitance) à cette obligation doivent être abordées


A-    Le principe

Le titulaire du marché a l’obligation d’exécuter les travaux ou les prestations commandées. En ce sens, il doit se conformer aux prescriptions techniques contractuelles, générales et particulières du marché considéré, sans préjudice du respect des obligations générales applicables à tous les contrats administratifs.

Le cocontractant de l’administration doit tout mettre en œuvre pour exécuter le marché selon les règles de l’art, l’objectif étant de réaliser un ouvrage exempt de vices et conforme aux prescriptions du marché (CE, 26 avril 1972, Raboni, AJDA, 1972, p. 414). Titulaire d’un marché public de travaux, il doit par exemple se munir du matériel adapté pour des travaux de creusement de tranchées même si le cahier des charges ne mentionnait pas ce type de prestation (CAA Nantes, 18 novembre 1993, SA Barenton). Les marchés industriels impliquent également une obligation d’objectif ou de résultat à atteindre. Dans les marchés de fournitures, celles-ci doivent répondre à la destination pour laquelle elles sont demandées, ce qui implique une obligation de conformité (CE, 26 janvier 1977, SARL Tecres, rec.  p. 895).

Néanmoins, il est certaines hypothèses qui font obstacles à une exécution personnelle du marché par son titulaire initial.

B-    Les exceptions

1)      La cession du marché

a- La cession d’un contrat est l’acte par lequel à l’un des cocontractants se substitue un tiers qui assurera intégralement la poursuite de l’exécution du contrat.  Le Conseil d’État dans son avis du 8 juin 2000, définit la cession comme la « reprise pure et simple, par le cessionnaire, qui constitue son nouveau titulaire, de l’ensemble des droits et des obligations résultant du précédent contrat », et précise que « la notion de tiers auquel le contrat est cédé doit s’entendre d’une personne morale distincte du titulaire initial ». La cession implique donc d’une part la reprise du contrat initial, et d’autre part son transfert à un tiers.
Il faut donc distinguer deux sortes de cessions au sens de l'avis du Conseil d'État, selon que la reprise des obligations décharge ou non complètement le cédant.
Il y a ainsi des cessions novatoires, déchargeant complètement le cédant, et des cessions non novatoires ou imparfaites où le cédant reste engagé, éventuellement à titre subsidiaire, se portant garant envers le cédé du respect par le cessionnaire des obligations.
La cession du contrat implique que la substitution de cocontractant s’effectue dans la cadre du contrat initial, qui doit être maintenu dans ses éléments essentiels (à savoir le prix, la nature des prestations, le tarif applicable aux usagers ou la durée). A contrario, la cession peut  s’accompagner de modifications non substantielles du contrat d’origine, ce qui est conforme au principe de liberté contractuelle fondant la notion de cession en droit administratif. La continuité du contrat initial est donc une condition de validité de la cession, mais également un élément de sa définition.

Il en résulte que si le transfert comprend une modification substantielle des termes du contrat, il ne s’agit pas d’une cession, car le bénéficiaire se voit attribuer un nouveau contrat. En effet, la jurisprudence administrative concernant les avenants aux contrats publics a élaboré la théorie du nouveau contrat (CE, 1995, Préfet de la région Île de France). Cela permet au juge de requalifier un avenant bouleversant l’économie du contrat, ou y apportant des modifications substantielles, en nouveau contrat qui est nul faute d’avoir été précédé d’une procédure de mise en concurrence.

En pratique, les cessions prennent en général la forme d’un avenant de transfert. La continuité du contrat initial est un élément fondamental, car elle va justifier l’absence de remise en concurrence.

b- Quelles que soient les modifications qui peuvent affecter la personne du cocontractant, il n’y a pas de cession tant que la personnalité juridique ne change pas. Cette condition est naturellement remplie dans le cas d’un transfert purement conventionnel du contrat à un tiers n’ayant aucun lien juridique avec le cédant. En général, le transfert du contrat se fait au cours d’une opération de la vie des sociétés.
Dans certaines situations, il ne peut y avoir cession, faute de tiers. Ainsi, selon le Conseil d’Etat, le changement des actionnaires de la société titulaire du contrat n’est pas considéré comme une cession (avis du Conseil d’Etat précité ; CE, 31 juillet 1996, Société des téléphériques du massif du Mont-blanc, n° 126594).
Il en va de même en cas de changement de type de société dès lors que la loi prévoit la continuité de la personnalité morale. L’article 1844-3 du code civil dispose que « la transformation régulière d'une société en une société d'une autre forme n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle. Il en est de même de la prorogation ou de toute autre modification statutaire ». En conséquence, le changement de nature juridique d’une société n’entraîne donc jamais de cession du marché.
Les hypothèses où la cession est possible sont assez variées. La première, qui ne pose aucune difficulté, est celle de la cession du marché à une société sans lien avec la cédante.
La seconde concerne, l'apport du contrat à une société différente, nouvelle ou existante, par scission, fusion ou absorption de sociétés, est une cession de contrat.

c- S’agissant de leur régime, les cessions de contrat ne nécessitent pas la remise en concurrence du contrat initial mais doivent être préalablement autorisées par la collectivité cocontractante. Le Conseil d’État, par son avis du 8 juin 2000, est venu mettre un terme au débat qui animé la doctrine en affirmant que les cessions de contrat n’ont pas à faire l’objet d’une mise en concurrence.

La majorité de la doctrine estimait que, pour l’application des règles de mise en concurrence au moment de la cession d’un contrat, il convenait de distinguer selon que la cession était purement conventionnelle ou qu’elle intervenait dans le cadre de la réorganisation d’un groupe. Lorsque la cession résulte de la restructuration ou de la réorganisation de la société, les moyens financiers et humains permettant la réalisation du contrat restent inchangés. Il n’y aurait alors pas lieu de procéder à une nouvelle mise en concurrence. C’est par exemple ce qui se produit lorsque le contrat est confié à une filiale de l’entreprise titulaire dans le cadre d’une réorganisation de la société. Lorsque la cession intervenait entre deux personnes distinctes, le changement de cocontractant pouvait être considéré comme une modification substantielle du contrat. Il s’agissait alors d’une véritable réattribution du marché public. Le changement de contractant donnait naissance à un nouveau contrat qui devait être attribué qu’après publicité et mise en concurrence - le consentement de la collectivité n’étant pas suffisant. Il s’agissait d’une simple application de la jurisprudence du Conseil d’Etat de 1995 - Préfet de la région Île de France - sur les avenants. Le titulaire pourrait toujours céder son contrat, seulement il ne pourrait pas choisir le cessionnaire. Ce choix est fait par l’administration, au terme d’une procédure respectant les principes de concurrence et de libre accès à la commande publique. En outre, une interprétation a contrario de l’arrêt du Conseil d’État, rendu en 1939, Thouna, permettait d’affirmer que si le contrat initial était soumis à une procédure de mise en concurrence, sa cession devait suivre la même procédure. Il paraissait logique de considérer que le changement du titulaire du contrat était soumis aux mêmes règles que la désignation du premier titulaire. 

Cependant, dans son avis, le Conseil d'Etat a estimé qu’en cas de cession, aucune remise en concurrence n'était nécessaire. Cession et mise en concurrence sont incompatibles, car la mise en concurrence suppose que les différents candidats remettent une offre, forment des propositions sur les droits et obligations qui figureront dans le contrat. Le contrat qui en résulterait comporterait forcement des modifications substantielles par rapport au contrat initial. La mise en concurrence précédée d’une procédure de publicité aboutirait donc à la conclusion d’un nouveau contrat et on ne pourrait donc plus parler de cession de contrat. Autrement dit, la mise en concurrence consiste à choisir la meilleure proposition parmi des offres distinctes, alors que dans la cession, la qualité de l'offre ne change pas, seul l’exécutant n'est plus le même. De plus, sur le plan de l’opportunité, si la cession avait dû être précédée d’une mise en concurrence, les opérations de fusion ou de scission décidées par les entreprises titulaires de marchés publics seraient devenues en pratique impossibles, car les entreprises n’auraient pas pu prendre le risque de voir le contrat attribué à un autre candidat.
Néanmoins, la cession ne doit pas dissimuler une manœuvre destinée à contourner les règles de mise en concurrence applicables à la passation du contrat initial, sous peine d’illégalité et de poursuite pour délit de favoritisme.

d- Sur le plan procédural, la cession doit être autorisée par la personne publique. Traditionnellement, la jurisprudence exige l'accord du cédé, et la cession sans autorisation lui est inopposable, le titulaire restant le seul responsable (CE, 2 février 1979, Ville de Châlons sur Marne, n° 01881). Le Conseil d’Etat a même jugé qu'un lien contractuel ne peut naître implicitement entre l’administration et le cessionnaire autorisé, même si l'administration continue d'exécuter le contrat avec le cessionnaire (CE, 21 février 1986, Ministre de l’urbanisme c/ Secre ; RDP 1986, p. 1734)
[1]. L’avis du 8 juin 2000 confirme cette position, tout en précisant les conditions d'un refus que peut opposer l’Administration. L'avis indique que le refus d'autoriser la cession ne peut être fondé que sur des motifs retenus par le Conseil d'Etat au contentieux. Cependant, un seul exemple est cité : celui de l’insuffisance des garanties professionnelles ou financières du cessionnaire. Dans les faits, l’Administration ne pourra s’opposer à la cession du contrat que si l’entreprise cessionnaire ne présente pas les garanties financières et professionnelles suffisantes pour exécuter le marché cédé. 
Un refus fondé implique dans l’hypothèse où le titulaire n'entend pas, ou ne peut pas continuer l'exécution du marché, que l’acheteur résilie le marché, et organise la passation d'un nouveau contrat dans les formes prévues par le code des marchés publics.
Dans le cas où l’administration s’oppose à une cession régulière, ce refus illégal est de nature à engager sa responsabilité.

2)      La force majeure

La force majeure est un événement qui doit être à la fois extérieur au cocontractant, irrésistible et imprévisible (CE, 29 janvier 1909, Compagnie des messageries maritimes, n° 17614).  Il s’agit d’un fait qui ne pouvait, ni être prévu ni être empêché par les parties. Cet événement est totalement indépendant de leur volonté et rend l’exécution du marché absolument impossible.

La force majeure se définit à travers trois critères :

-          L’irrésistibilité qui correspond à l’idée que l’événement constitutif de la force majeure est réellement impossible à surmonter (CE, 25 mai 1990, Abadie, rec.  p. 1026).

-          L’imprévisibilité. Le juge recherche si l’événement aurait pu être prévu par l’entrepreneur au moment de la conclusion du marché  (CAA Bordeaux, 23 mai 1989, SA Smac Acieroid, D., 1990, somm., p. 68). Ce critère s'apprécie par rapport à une région et à une localité et sur une durée de temps assez longue.

-          L’extériorité suppose que le fait soit étranger au défendeur qui s’en prévaut, et plus généralement aux parties (CE, 9 novembre 1955, Société des transports routiers Aviat et Cie, rec. p. 230).

Les requérants doivent rapporter les éléments de nature à établir le bien fondé du moyen tiré de ce que l’événement ou le phénomène naturel invoqué serait imputable à des circonstances constitutives de la force majeure. Ces évènements peuvent être causés soit par des faits naturels (intempéries exceptionnelles)[2], soit par des faits de l’homme (grève, guerre).

L’établissement de la situation de la force majeure permet de justifier aussi bien l’inaction de l’Administration (CE, 13 juillet 1961, Société indochinoise d’électricité, rec. p.519) que le manquement de l’entrepreneur. L’entrepreneur est libéré de son obligation d’exécution (CE, 29 janvier 1909, prec.). Toutefois, si la force majeure prend fin, l’obligation d’exécuter le marché s’impose à nouveau à l’entrepreneur (CE, 5 janvier 1924, Compagnie Gar, rec. p. 18).


§ 2 : L’obligation d’exécution dans les délais prévus

A-    Les délais d’exécution

Les délais sont un élément essentiel de l’objet du contrat (CE, 3 mai 1961, Société Entreprise Thomas Kotland et OPHLM du Département de la Seine, rec. p. 290).

L’article 12-I 7° du code des marchés publics dispose que « les pièces constitutives du marché comportent obligatoirement (…) la durée d’exécution du marché ou les dates prévisionnelles de début d’exécution et d’achèvement ».

Le marché peut prévoir un délai global, des délais partiels pour l’exécution de certaines prestations ou encore les deux à la fois[3].  A titre d’illustration, les délais d’exécution des travaux sont en principe fixés par le marché ou par les calendriers convenus ultérieurement (CE, 4 octobre 1989, Centre hospitalier de Vitré, D., 1990, somm., p. 245). Le délai convenu entre les parties comprend, sauf stipulations contraires, l’achèvement de tous les travaux prévus par le marché, y compris le repliement des installations et la remise en état des lieux[4].

Les délais d’exécution commencent à courir en principe à compter de la notification du marché. En outre, un contrat ne peut valablement commencer à être exécuté si toutes les formalités pour le rendre exécutoire n’ont pas été remplies (CE, 20 janvier 1989, Ville de Millau). En cas de fixation du point de départ du délai à une date antérieure à la transmission du marché, le juge reporte le point de départ du délai à l’accomplissement de cette formalité (CE, 8 février 1999, Société Sogema, BJCP, 1999, n° 9, p. 495).

Les cocontractants fixent en principe librement la durée de leur convention. Toutefois, l’article 16 du code des marchés publics vient encadrer cette possibilité : « sous réserve des dispositions fixant la durée maximale pour les accords-cadres et les marchés à bons de commande, les marchés complémentaires passés en procédure négociée ainsi que les marchés relatifs à des opérations de communication, la durée d'un marché ainsi que, le cas échéant, le nombre de ses reconductions, sont fixés en tenant compte de la nature des prestations et de la nécessité d'une remise en concurrence périodique. Un marché peut prévoir une ou plusieurs reconductions à condition que ses caractéristiques restent inchangées et que la mise en concurrence ait été réalisée en prenant en compte la durée totale du marché, périodes de reconduction comprises.  Le pouvoir adjudicateur prend par écrit la décision de reconduire ou non le marché. Le titulaire du marché ne peut refuser sa reconduction sauf stipulation contraire prévue dans le marché ».
S’agissant de la possibilité de prorogation des délais d’exécution, il faut préciser que le CCAG Travaux est plus précis que les autres cahiers des clauses administratives générales sur les causes pouvant en justifier.

Par exemple, l’article 19.21 précité dispose que le délai d’exécution peut être prolongé par ordre de service pour certains motifs :

-          changement dans la masse de travaux ou une modification de l’importance de certaines natures d’ouvrages ;

-          substitution à des ouvrages initialement prévus d’ouvrages différents ;

-          rencontre de difficultés imprévues au cours du chantier ;

-          ajournement des travaux décidé par la personne responsable du marché ;

-          retard dans l’exécution d’opérations préliminaires à la charge du maître d’ouvrage.

L’article 19.22 concerne un autre fondement possible, les intempéries. Ainsi, en cas d’intempéries, au sens législatif ou réglementaire en vigueur, entraînant un arrêt de travail sur le chantier, les délais d’exécution sont prolongés pour un nombre égal de jours pendant lesquels le travail a été arrêté, en défalquant, s’il y  a lieu, le nombre de jours d’intempéries prévisibles indiqué au CCAP.


B-    Les sanctions du non respect des délais

Le plus souvent, il s’agit de l’application de pénalités à l’encontre du titulaire défaillant dont les modalités de calcul et de mise en œuvre sont définies par le marché (montant, mise en demeure…).

Les pénalités sont des sanctions pécuniaires forfaitaires qui se substituent aux dommages et intérêts et ont donc une double fonction de dissuasion et de réparation. Elles sont toujours forfaitaires et ne sont pas subordonnées à la réalité d'un préjudice (CE, 10 février 1971, Bonnet, n° 78594, rec. Tb. p. 1104).
Elles ne s’appliquent que si le marché le prévoit et si le fait à pénaliser est imputable au titulaire sanctionné. En outre, il ne suffit pas que des délais soient stipulés pour que les indemnités de retard soient applicables, il faut également que des pénalités soient prévues par le marché. La validité de la clause les prévoyant suppose que soit fixé un terme ou un délai pour achever les prestations objet des pénalités (CE, 25 février 1987, OPHLM de la Meuse c/ M. Amiel et autres, n° 60306).
Les CCAG déterminent les règles pratiques de calcul des jours et de paiement. Les plus importantes des pénalités sont en pratique celles qui sanctionnent les retards d’exécution du titulaire, mais on en trouve aussi qui sanctionnent d’autres retards.

De son côté, l’attributaire du marché peut demander à être indemnisé des retards résultant d’un fait ou d’une faute du maître de l’ouvrage. Ce dernier engage, en effet, sa responsabilité vis-à-vis de l’entrepreneur lorsque le retard qu’il met à exécuter ses propres obligations entraîne un dépassement des délais contractuels (CAA Bordeaux, 31 décembre 1993, Commune de La Rochelle). C’est le cas lorsque la modification du projet de construction a empêché le constructeur de se procurer à temps les matériaux nécessaires à l’exécution des travaux (CE, 2 décembre 1964, SA de construction et d’installation électriques du littoral, RDP, 1966, p. 196).

La jurisprudence admet également que l’entrepreneur puisse être indemnisé des retards imputables à d’autres constructeurs (entreprises, maîtres d’œuvre) à condition qu’ils aient participé à l’exécution du marché en vertu d’un contrat les liant directement au maître de l’ouvrage (CE, 28 janvier 1976, Société des ateliers Delestrade et Ramser comité réunis et a., rec.  p. 68).


§ 3 : L’obligation d’exécution conformément aux prescriptions techniques du marché
           
Dès lors que le contrat constitue la loi des parties, le titulaire est tenu d’en respecter les spécifications techniques. La nécessité de réaliser des prestations complémentaires, non prévues initialement au contrat, peut néanmoins surgir. La réalisation en sera alors encadrée. Par ailleurs, l’administration peut influer de manière parfois importante sur les modalités d’exécution du contrat. Elle agit le plus souvent par le biais d’ordres de service, que son cocontractant est tenu de respecter.

Lorsqu’il convient de réaliser des prestations complémentaires par rapport à ce qui était initialement conclu, il appartient aux parties de le consigner dans un document écrit qui prend la forme soit d’un avenant, soit d’une décision de poursuivre. Les deux régimes diffèrent largement.

A-    Les avenants

L’article 20 du code des marchés publics dispose : « en cas de sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties, un avenant ou une décision de poursuivre peut intervenir quel que soit le montant de la modification en résultant. Dans tous les autres cas, un avenant ou une décision de poursuivre ne peut bouleverser l'économie du marché, ni en changer l'objet ».

Le manuel pour l'application du code (point 14.7) indique que « l'avenant est l'acte par lequel les parties à un contrat conviennent d'adapter ou de compléter une ou plusieurs de ses clauses ». La conclusion d’un avenant est encadrée tant d’un point de vue matériel que d’un point de vue procédural.


1)      Sur le plan matériel

a- L’avenant ne doit pas bouleverser l’économie du marché ni en changer l’objet. L’appréciation du bouleversement de l’économie du contrat se fait de manière subjective.
En premier lieu, le code des marchés publics ne fixe à cet égard aucun seuil au-delà duquel l’économie du contrat doit être considérée comme bouleversé. Le Conseil d’Etat ne requalifie pas systématiquement en marché un avenant du seul fait que son montant est important (CE, 13 juin 1997, Commune d’Aulnay-sous-Bois, n° 150681). Le montant a valeur d’indice. Un faible montant doit être considéré comme un indice qu’il ne s'agit pas d'un nouveau marché. A l'inverse, un montant important de l'avenant laisse penser que les prestations introduites sont dissociables ou, s’il s'agit de sujétions techniques, qu'elles auraient dû être prévues (CAA Paris, Préfet du Val d’Oise, n° 00PA0172).
Le manuel d'application du code de 2006 (point 14.7) indique qu’ « il y a lieu de considérer qu'une augmentation par avenant de 15 % à 20 % ou plus du prix d'un marché est susceptible d'être regardée par le juge administratif comme bouleversant l'économie du contrat ». Cet indice quantitatif tient compte de tous les avenants, de sorte que les premiers peuvent être légaux et les autres non (TA Melun 4 décembre 2001, Préfet du Val-de-Marne, n° 002580).
En second lieu, l’avenant ne doit pas avoir pour effet de modifier en substance les clauses essentielles relatives à la durée, au prix et aux conditions d’exécution et ainsi bouleverser techniquement le marché. L’équilibre général du marché initial est, à cet égard, intangible. La conclusion d’avenants ne peut, en effet, être considérée comme un mode normal de gestion des contrats (TA Strasbourg, 26 septembre 2000, Préfet de la Moselle c/ District rural de Cattenom, Société Edmond Schnitzler).
De surcroît, le juge utilise également le critère de la dissociabilité. Un avenant est légal quand il a pour but la poursuite de l'exécution des prestations prévues par le marché initial. Au contraire, un avenant doit être requalifié en nouveau marché, dès lors que les prestations introduites sont totalement dissociables des prestations initialement prévues (CE, 28 juillet 1995, Société de gérance Jeanne d’arc, n° 143438).

b- Si l’avenant doit bouleverser l’économie générale du marché initial, il est alors nécessaire de conclure un nouveau contrat. Seule la théorie des sujétions imprévues, propre aux marchés publics de travaux, permet aux parties de déroger à ces principes. Les sujétions imprévues sont des aléas matériels et techniques, rencontrés dans l’exécution du marché et qui entraînent un surcoût important.

Elles dépassent la commune intention des parties car elles impliquent l'utilisation de techniques plus onéreuses, ou entraînent des travaux supplémentaires indispensables de même nature. En pratique, il faut que l'économie du contrat soit bouleversée. Les sujétions doivent être exceptionnelles, imprévisibles et extérieures aux parties (CE, 30 juillet 2003, Commune de Lens, rec. Tb. p. 862-960-962).

Dans cette hypothèse, le code autorise la signature d’un avenant quel que soit le montant de la modification en résultant.

2)      Sur la plan procédural
La formation de l’avenant ne saurait en effet être implicite ou tacite. Le consentement suppose, pour les personnes publiques, certaines formalités et la signature, tandis que, pour la personne privée, seule la signature est nécessaire
Pour les collectivités locales, l'autorisation de l'assemblée délibérante est requise. Il s'agit du même régime que pour la passation du contrat d'origine. En outre, l’avenant, accompagné de la délibération qui l’y autorise, doit être transmis au contrôle de légalité.
En revanche, pour les sociétés, les règles légales ne supposent pas d'autorisation des organes sociaux.
A noter que l’article 11 du code précisant que « Les marchés … d'un montant égal ou supérieur à 20 000 euros HT sont passés sous forme écrite », les avenants relatifs à des marchés d’un montant inférieur pourraient être simplement verbaux.
En outre, aux termes de l’article 8 de la loi n° 95-127 du 8 février 1995 relative aux marchés publics et délégations de service public, « Tout projet d'avenant à un marché de travaux, de fournitures ou de services entraînant une augmentation du montant global supérieure à 5 % est soumis pour avis à la commission d'appel d'offres. L'assemblée délibérante qui statue sur le projet d'avenant est préalablement informée de cet avis. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque ces avenants concernent des marchés qui, conformément aux dispositions du code des marchés publics, n'ont pas été soumis eux-mêmes à cet avis. Ces dispositions ne sont pas non plus applicables lorsque ces avenants concernent les marchés conclus par l'Etat, un établissement public de santé ou un établissement public social ou médico-social ».
La difficulté réside principalement dans les modalités de calcul du seuil de 5 %. Ce seuil s'applique sans doute par marché, c'est-à-dire entreprise par entreprise en cas de marchés séparés et groupement par groupement dans le cas contraire. Mais on peut hésiter dans le cas des groupements sans solidarité.
On peut penser que l'avis de la commission d'appel d'offres est requis quand plusieurs avenants successifs inférieurs à 5 % totalisent 5 %. En cas de succession d'avenants, le seuil de 5 % se calcule sans doute par référence au montant résultant du précédent avenant s'il a été soumis à l'avis de la commission d'appel d'offres
Une fois que la commission d’appel d’offres a émis son avis, celui-ci est transmis à l’assemblée délibérante qui statue alors sur le projet d’avenant notamment pour en autoriser la signature. L’assemblée n’est pas liée par l’avis de la commission. Cette délibération doit être transmise au Préfet préalablement à la signature de l’avenant. L’assemblée délibérante peut déléguer son pouvoir à l’exécutif local dans les conditions prévues dans le code général des collectivités territoriales (article L. 2122-22).


B-    La décision de poursuivre

L’article 118 du code des marchés publics dispose : « Dans le cas particulier où le montant des prestations exécutées atteint le montant prévu par le marché, la poursuite de l'exécution des prestations est subordonnée, que les prix indiqués au marché soient forfaitaires ou unitaires, à la conclusion d'un avenant ou, si le marché le prévoit, à une décision de poursuivre prise par le pouvoir adjudicateur ».
Du point de vue du consentement, la décision de poursuivre se distingue de l'avenant par le fait que l'accord du titulaire est consenti par avance.
Quand, au fond, elle s'en distingue par le fait qu'elle ne vise pas à modifier les obligations mais à poursuivre leur exécution malgré le franchissement du volume prévisionnel du marché[5].
L’article 20 du code précité précise que la décision de poursuivre ne doit pas avoir pour objet de bouleverser l’économie du contrat[6] ou d’en changer l’objet.


Section 2 : L’exécution par l’acheteur public

Le contrat administratif a cette particularité de confier à l’Administration des pouvoirs coercitifs à l’égard de son cocontractant. Mais ces pouvoirs ne doivent pas occulter le fait que l’on est en présence d’un contrat qui, par nature, reconnaît à chaque partie un certain nombre de droits. En d’autres termes, si l’administration dispose, dans le cadre d’un marché public, de prérogatives étendues, elle est également soumise, en tant que partie au contrat, à des obligations juridiquement sanctionnées.

§ 1 : Les prérogatives de l’acheteur public

Les pouvoirs dont dispose la collectivité publique dans l’exécution d’un marché public sont au nombre de trois.

A-    Le pouvoir de contrôle et de direction

L’administration dispose d’un pouvoir général de contrôle et de direction de l’exécution du marché (CE, 31 mai 1907, Deplanque, rec. p. 513). Un marché public réserve en effet à l’acheteur public le droit de contrôler et/ou de diriger les opérations d’exécution. Ce pouvoir de direction et de contrôle n’a toutefois de sens que pour des contrats dont l’exécution se déroule sur une certaine durée.
De manière générale, il s’agit de la possibilité ouverte à l’administration de vérifier que son cocontractant respecte ses obligations contractuelles et d’exiger de lui tous renseignements ou prestations propres à éclairer ces vérifications ou à servir l’intérêt général.
Ce pouvoir offre à la collectivité publique un éventail très vaste de mesures. Par ailleurs, l’exercice ou le non exercice de ce pouvoir peut entraîner la responsabilité de l’administration.


1)      Le pouvoir d’émettre des ordres de service
Si l’entrepreneur choisit en principe les modes d’exécution du marché, il peut recevoir des ordres de service. La notion d'ordre de service est une notion formelle. Est un ordre de service, tout document signé ou ordre quelconque par lequel l'administration ou le maître d'œuvre (voir ci-après) donne des instructions à l'entreprise.
Il n'y a d'ailleurs pas lieu de limiter l'emploi de l'expression aux ordres qui se présentent comme tels. Une lettre, un ordre verbal peuvent être des ordres de service. Le fait que de telles formes soient éventuellement irrégulières ne change pas leur qualification. Dans ce cas, si l’entreprise a accusé réception sans donner lieu à contestation à l’ordre verbal, celui-ci est assimilable à un ordre de service écrit.
Les ordres de service sont en principe écrits, signés par le maître d'œuvre et numérotés[7]. Il en est accusé réception. Pour plus de sécurité, les ordres de service les plus importants peuvent être envoyés en recommandé.
Le maître de l’ouvrage ou le maître d’œuvre utilise les ordres de service pendant toute l’exécution du marché et plus précisément, toutes les fois où le besoin de communiquer avec l’entrepreneur se fait sentir. Il peut ainsi utiliser l’ordre de service pour exiger la présence de davantage de salariés, pour définir les conditions d’exécution d’une prestation, pour augmenter ou diminuer les prestations prévues ou pour rappeler à l’entreprise le respect de ses obligations.
Les ordres de service sont opposables au maître de l’ouvrage pour le compte duquel ils sont notifiés (CAA Nantes, 13 mars 1991, Commune Cléré-sur-Layon). Si l’entrepreneur a l’obligation de les exécuter, il peut s’y opposer en formulant des réserves, nom donné aux observations sur les ordres de service de la part de l’entrepreneur. Toutefois, l’article 2.52 du CCAG travaux stipule qu’« A l'exception des seuls cas que prévoient le 22 de l'article 15 [du CCAG] et le 6 de L'article 46 [du CCAG], l'entrepreneur se conforme strictement aux ordres de service qui lui sont notifiés, qu'ils aient ou non fait l'objet de réserves de sa part ».
L'entreprise qui n'a pas émis de réserves dans le délai ne peut pas obtenir satisfaction devant le juge. Ces réserves ne sont pas des réclamations mais des mesures conservatoires, sans effet suspensif, destinées à ménager pour l’avenir les droits à rémunération de l’entrepreneur. Lorsque celui-ci estime que la prescription d’un ordre de service appelle des réserves de sa part, il doit, sous peine de forclusion, les présenter par écrit au maître d’œuvre dans un délai de 15 jours[8], sauf délai différent prévu par une clause du CCAP. Le délai commence à courir le lendemain du jour où il a reçu et signé l’ordre de service[9]. Dans la mesure où la preuve de ces réserves est à la charge de l’entreprise, elle aura intérêt à utiliser la lettre recommandée avec AR.
2)      La responsabilité de l’administration du fait de son pouvoir de contrôle et de direction

a)      Responsabilité pour faute

Le manquement de l’administration à son pouvoir de contrôle et de direction constitue une faute. En principe, la faute simple commise dans l’usage du pouvoir de direction et de contrôle suffit à engager la responsabilité de l’acheteur public. Mais, parfois, la jurisprudence, a fait référence à l’exigence d’une faute lourde afin de faire échec, par exemple, à une disposition législative (CE, 21 novembre 1986, Société française d’interim c/ Ministre des PTT).

Le retard de l’administration se traduisant par un exercice tardif voire l’absence d’usage de son pouvoir de contrôle et de direction engage sa responsabilité. Ainsi, l’administration engage sa responsabilité lorsqu’elle a oublié d’adresser un ordre de service à l’entrepreneur (CE, 17 mars 1999, Syndicat intercommunal eau et assainissement de Point à Pitre), ou, garde le silence sur des désordres apparus nécessitant des travaux supplémentaires pour une exécution correcte de l’ouvrage (CE, 3 février 1975, Labredy, Garnier et Chevrier syndics pour l’entreprise Linville, RDP, 1975, p. 1768).


b)      Indemnisation

Si l’administration a commis une faute, l’entrepreneur ne peut pas se retrancher derrière pour suspendre l’exécution de ses propres obligations. Quelle que soit la faute commise par l’administration, il ne peut que saisir le juge du contrat d’une action en dommages intérêts ou d’une demande de résiliation en cas de faute très grave.

Si l’entrepreneur a exécuté des travaux en conséquence d’un ordre de service irrégulier résultant de ce que les travaux lui ont été commandés par un procédé irrégulier, le juge prend toutefois, en compte l’imprudence commise par l’entrepreneur d’avoir accepté de s’y conformer (CE, 10 janvier 1987, Commune Montbronn, RDP, 1987, p. 1096).


B-    Le pouvoir de sanction

Dans un contrat administratif, l’administration peut infliger unilatéralement des sanctions au cocontractant.

1)      L’existence d’un pouvoir de sanction

Le pouvoir de sanction appartient à l’administration même sans texte en vertu « des règles générales applicables aux contrats administratifs » (CE, 31 mai 1907, Deplanque).  Pour illustration, le droit de résilier pour faute après mise en demeure existe, même si le contrat ne le prévoit pas (CE, 30 septembre 1983, SARL Comexp, n° 26611). Aussi, disposant du pouvoir de sanction pour imposer l’exécution de ses obligations à l’entrepreneur, le maître de l’ouvrage n’est pas fondé, en vertu du privilège du préalable, à demander au juge de se substituer à lui pour ce faire (CE, 21 mai 1982, SARL Société de protection intégrale du bâtiment, rec.  p. 183).

La résiliation n’étant adaptée qu’aux manquements les plus graves, des sanctions mieux proportionnées peuvent être infligées dans les autres cas. Toutefois, certaines d’entre elles ne peuvent pas être prononcées en l’absence de clause contractuelle. C’est le cas, par exemple, des pénalités qui ne peuvent être appliquées que si une stipulation contractuelle en fixe les modalités d’application.

Que le cocontractant ignore ou non les manquements commis, l’administration doit lui notifier avec précision la nature de ses manquements (V. LEFOULON J., Les formalités en matière de sanction dans le contrat administratif, AJDA, 1974, p. 565). Par principe, une sanction ne peut être appliquée qu’après mise en demeure restée sans effet, sauf stipulation contraire du contrat ou en application des dispositions du CCAG (CE, 10 juin 1953, Commune Saint Denis-en-Val, rec.  p. 276).

2)      Sanctions pécuniaires et sanctions coercitives

Les sanctions pécuniaires et coercitives sont des mesures temporaires qui ne mettent pas fin au marché. Ces sanctions ne peuvent être prononcées qu’après mise en demeure (sauf clause contraire du marché).

Les sanctions pécuniaires sont les moins graves[10]. Il peut s’agir par exemple, dans le cadre d’un marché de travaux, de pénalités fixées par le contrat et destinées à sanctionner des retards d’exécution[11], des retards dans la remise d’un projet de décompte[12], des retards dans l’enlèvement de matériaux[13].

A défaut de pénalités, le maître de l’ouvrage est en droit de réclamer à l’entrepreneur la réparation du préjudice qui lui cause son retard sous la forme de dommages intérêts. En vertu du privilège du préalable, l’administration peut émettre un état exécutoire correspondant au montant des dommages intérêts qu’elle estime dû à charge pour le cocontractant de le contester.

Une sanction coercitive intervient lorsque l’exécution régulière et continue du contrat est menacée. Sans que le contrat soit rompu, l’administration peut alors confier l’exécution du contrat à un tiers ou l’assurer elle-même (régie), mais aux frais du cocontractant défaillant lorsque son comportement révèle des fautes graves.

La mise en régie n’est prévue que pour les marchés de travaux et, dans certaines circonstances, pour les marchés de fournitures, bien que dans ce domaine elle soit d’utilisation limitée. Mais il semble qu'elle existe dans d'autres contrats car les pouvoirs coercitifs « sont inhérents à tout contrat passé pour l'exécution d'un service public » (CE, 6 mai 1985, OPHLM d’Avignon, RDP 1985, p. 1706).
La mise en régie n'entraîne pas la rupture des rapports contractuels (CE, 23 janvier 1981, Commune d’Aulnay-sur-Odon, n° 06760, 06806 et 06807). Elle cesse par une décision de l'administration, notamment si l'entrepreneur justifie disposer des moyens pour reprendre les travaux et les mener à bonne fin[14], ou s’il ne peut pas par la résiliation du marché.

3)      La résiliation pour faute du cocontractant

La résiliation est prononcée à titre de sanction lorsque l’entrepreneur a eu un comportement grave et gênant la bonne exécution du marché. Il est nécessaire que le cocontractant ait commis une faute suffisamment grave (violation des clauses contractuelles, fausse déclaration, abandon de chantier…) qui lui est imputable. Lorsque le fait du cocontractant ne peut être qualifié de faute, l'application d'une sanction est exclue. Obéissant à un formalisme et à un régime juridique spécifique, l’exercice de ce pouvoir de sanction conduit non seulement à la cessation des rapports contractuels mais a des incidences financières particulières.

Elle est prononcée aux torts du cocontractant en cas de faute et doit être précédée d’une mise en demeure (sauf clause contraire) restée infructueuse. Dans cette hypothèse, le cocontractant n’a pas droit à être indemnisé car la résiliation est prononcée à ses torts (CE, 8 novembre 1985, Ozilou, rec. p. 317), sauf clause contraire.
Le cocontractant qui a vu son marché résilié est tenu de couvrir la différence entre le coût du marché de substitution et celui du marché résilié sans pouvoir bénéficier de l'économie éventuelle (par exemple sur le fondement de l’article 49.6 du CCAG Travaux). Sur ce point, la jurisprudence est constante (CE, 29 mai 1981, SA Roussey, n° 12315). Cette garantie du surcoût  ne vaut que dans les limites des dépenses imputables à l’entreprise fautive, ce qui implique que le marché de remplacement ait un objet identique et soit passé dans des conditions et des délais normaux. Pour les marchés de travaux, l'article 49.5 du CCAG Travaux prévoit que l’entreprise dont le contrat est résilié doit être en mesure de suivre l'achèvement des travaux pour que l'administration ait le droit de lui faire payer le surcoût (CE, 1er mars 1967, Société Technical c/ OPHLM de la Seine, req. n° 66632967). Ce principe impose en pratique de lui notifier le nouveau marché avant le commencement des travaux, afin qu'il puisse suivre l'exécution du marché de substitution (CE, 7 mars 2005, Société d’études et entreprise d’équipements, n° 241666).
En tout état de cause, la résiliation ne prive pas l’ancien titulaire du droit d'être réglé de ses créances.

C-    Le pouvoir de résiliation dans l’intérêt général

Enfin, il peut être mis fin au marché avant l’exécution complète des prestations initialement prévues par le contrat dans l’intérêt général. Lorsque l’intérêt général l’exige, l’administration peut résilier le marché à tout moment, sans le consentement de son cocontractant. Autrement dit, la personne publique peut résilier alors même qu’aucune disposition législative ou réglementaire ni même aucune stipulation contractuelle ne l’aurait prévu. Cet intérêt est apprécié par l’autorité administrative, sous contrôle du juge, le cas échéant. Le pouvoir de rompre unilatéralement le contrat appartient, même sans texte, à l’administration en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs (CE, 2 mai 1958, Société Distillerie de Magnac-Laval, rec. p. 246). Les motifs d’intérêt général peuvent être de plusieurs natures : l’abandon du projet, le changement d’objectifs…

Cette règle, profondément dérogatoire au Code civil, notamment à l'article 1134 consacrant la force obligatoire des contrats, s'explique par les « lois » du service public et par le souci de protection des deniers publics. Il serait en effet coûteux pour les contribuables que l'administration continue à payer pour obtenir une prestation ou des travaux devenus inutiles. Dès lors, lié aux nécessités de fonctionnement du service public, le pouvoir de résiliation unilatérale ne peut pas faire l’objet d’une renonciation de la part de la personne publique (CE, 6 mai 1985, Association Eurolat, RFDA, 1986, p. 21). Toute clause de nature à faire obstacle à l’exercice de ce pouvoir de résiliation est ainsi frappée de nullité en tant qu’incompatible avec les nécessités de fonctionnement du service public.
La résiliation peut intervenir à tout moment, mais en principe une mise en demeure est exigée (sauf clause contraire). La jurisprudence a même admis que l’administration pouvait mettre fin au marché soit par décision particulière soit par un acte réglementaire applicable à tous les contrats de même nature (CE, 4 juin 1999, Compagnie Galle de chauffe, D., 2000, p. 219).

La résiliation n’étant ici pas une sanction, aucune faute n’est imputable au cocontractant. En contrepartie, son droit à indemnité est reconnu par la jurisprudence (CE, 8 décembre 1967, Cts Cazautets, RDP 1968, p. 942). Le cocontractant doit être intégralement indemnisé pour le préjudice subi. L’entrepreneur obtient non seulement la réparation des frais exposés mais aussi la réparation des bénéfices manqués. Il a été jugé que l’entrepreneur a droit à être indemnisé pour la perte qu’il a subie du fait des achats qu’il a pu faire, des investissements qu’il a réalisés et droit à réparation du gain manqué s’il démontre qu’il aurait réalisé un bénéfice (CE, 24 janvier 1975, Clerc Renaud, Rec. CE, p. 55). Les bénéfices perdus pour le temps du contrat qui restait à exécuter sont donc indemnisés « même en l’absence de manquement de la ville à l’exécution de ses obligations fixées par la convention, la résiliation unilatérale de la convention pouvait ouvrir, au profit de la société, droit à une indemnité comprenant la perte de bénéfices subie du fait de cette résiliation » (CE, 18 novembre 1988, Ville d’Amiens et Société d’exploitation du parc de stationnement gare routière d’Amiens, RFDA, 1990, p. 23).


§ 2 : Les obligations de l’acheteur public

La collectivité publique est principalement soumise à des obligations financières. Non seulement elle doit payer à son cocontractant le prix convenu dans le marché mais elle doit également l’indemniser en cas d’aggravation légitime de ses charges.

A-    Le paiement du prix convenu

Le prix du marché revêt une double caractéristique :

- c'est un élément constitutif du marché (prix ou modalité de sa détermination) : il fait partie des mentions obligatoires. Il s'agit d'une formalité substantielle dont l’omission entraîne la nullité du contrat ;

- c'est encore la rémunération du titulaire du marché : le prix qui est égal à la rémunération de l'entreprise à laquelle a été confiée l'exécution de la prestation, est  déterminé en fonction des prestations prévues dans le marché. Il doit couvrir toutes les charges supportées par l'entreprise. Le prix est, de la sorte, irrévocable et les cahiers des charges doivent préciser ce qu'il recouvre.

L’article 17 du code des marchés publics distingue les prix unitaires des prix forfaitaires : « Les prix des prestations faisant l'objet d'un marché sont soit des prix unitaires appliqués aux quantités réellement livrées ou exécutées, soit des prix forfaitaires appliqués à tout ou partie du marché, quelles que soient les quantités livrées ou exécutées ».

L’article 18 du même code prévoit que le marché est conclu à un prix définitif. Ce prix ne correspond pas en effet au prix de règlement.

Le II de l’article 18 prévoit que ce « prix définitif peut être ferme ou révisable ».
Le III de l’article précise qu’ « un prix ferme est un prix invariable pendant la durée du marché », mais qu’il est actualisable.  Toujours selon l’article 18, « Un marché est conclu à prix ferme dans le cas où cette forme de prix n'est pas de nature à exposer à des aléas majeurs les parties au marché du fait de l'évolution raisonnablement prévisible des conditions économiques pendant la période d'exécution des prestations. Lorsqu'un marché est conclu à prix ferme pour des fournitures ou services autres que courants ou pour des travaux, il prévoit les modalités d'actualisation de son prix. Il précise notamment :
1° Que ce prix sera actualisé si un délai supérieur à trois mois s'écoule entre la date à laquelle le candidat a fixé son prix dans l'offre et la date de début d'exécution des prestations;
2° Que l'actualisation se fera aux conditions économiques correspondant à une date antérieure de trois mois à la date de début d'exécution des prestations.
Lorsqu'un marché est conclu à prix ferme pour des fournitures ou services courants, il peut prévoir que son prix pourra être actualisé selon des règles identiques à celles mentionnées ci-dessus.
Le prix ainsi actualisé reste ferme pendant toute la période d'exécution des prestations et constitue le prix de règlement ».
Le IV de l’article 18 dispose qu’ « Un prix révisable est un prix qui peut être modifié pour tenir compte des variations économiques dans les conditions fixées ci-dessous.
Lorsque le prix est révisable, le marché fixe la date d'établissement du prix initial, les modalités de calcul de la révision ainsi que la périodicité de sa mise en oeuvre. Les modalités de calcul de la révision du prix sont fixées :
1° Soit en fonction d'une référence à partir de laquelle on procède à l'ajustement du prix de la prestation ;
2° Soit par application d'une formule représentative de l'évolution du coût de la prestation. Dans ce cas, la formule de révision ne prend en compte que les différents éléments du coût de la prestation et peut inclure un terme fixe ;
3° Soit en combinant les modalités mentionnées aux 1° et 2° ».
L’article 19 du code limite strictement les cas « exceptionnels » dans lesquels un prix provisoire peut être prévu au marché : « 1° Lorsque, pour des prestations complexes ou faisant appel à une technique nouvelle et présentant soit un caractère d'urgence impérieuse, soit des aléas techniques importants, l'exécution du marché doit commencer alors que la détermination d'un prix initial définitif n'est pas encore possible ; 2° Lorsque les résultats d'une enquête de coût de revient portant sur des prestations comparables commandées au titulaire d'un marché antérieur ne sont pas encore connus ;  3° Lorsque les prix des dernières tranches d'un marché à tranches, tel que défini à l’article 72, sont fixés au vu des résultats, non encore connus, d'une enquête de coût de revient portant sur les premières tranches, conclues à prix définitifs ; 4° Lorsque les prix définitifs de prestations comparables ayant fait l'objet de marchés antérieurs sont remis en cause par le candidat pressenti ou par le pouvoir adjudicateur, sous réserve que ce dernier ne dispose pas des éléments techniques ou comptables lui permettant de négocier de nouveaux prix définitifs ».
L’article 19 prescrit que ces marchés doivent indiquer « 1° Les conditions dans lesquelles sera déterminé le prix définitif, éventuellement dans la limite d'un prix plafond ; 2° L'échéance à laquelle devra intervenir un avenant pour fixer le prix définitif ; 3° Les règles comptables auxquelles le titulaire devra se conformer ; 4° Les vérifications sur pièces et sur place que le pouvoir adjudicateur se réserve d'effectuer sur les éléments techniques et comptables du coût de revient ».

B-    L’obligation d’indemnisation du titulaire du marché en cas d’aggravation de ses charges

Le titulaire d’un marché public ne doit en principe réaliser que les prestations prévues au contrat, qui seules ouvrent droit au paiement du prix. Il arrive néanmoins que des aléas, qui sont le fait des parties ou qui leur sont extérieurs, viennent augmenter la masse des prestations par rapport à ce qui était initialement prévu. La collectivité publique a dans cette hypothèse l’obligation d’indemniser, sous conditions, le titulaire du marché, non seulement des prestations supplémentaires réalisées mais aussi, le cas échéant, des frais que ce surcroît de travail a entraînés.

1)      L’aggravation des charges imputable aux parties

Les prestations supplémentaires non prévues au contrat doivent d’abord être payées à l’entreprise si elles ont été réalisées sur ordre écrit et régulier de la collectivité contractante[15]. Des travaux ordonnés par un maître d’œuvre ou une société de contrôle technique, sans l’accord du maître de l’ouvrage, ne peuvent, en principe, ouvrir droit à indemnisation (CE, 3 novembre 1979, Société Entrasudo, rec.  p. 797).

Dans le cadre d’un marché à prix unitaire, le plus souvent les parties se bornent à appliquer les nouvelles quantités au prix défini dans le contrat. Ce dernier peut, néanmoins, organiser cette opération, voire stipuler que, quelle que soit la variation des quantités livrées et exécutées, elle ne peut donner lieu à indemnisation. Dans ce dernier cas, l’entreprise ne peut être indemnisée que si l’augmentation de la masse des travaux est imputable à une faute de l’administration ou bouleverse l’économie du contrat (CE, 11 février 1983, Société Entreprise Caroni, rec. p. 59).

Dans le cadre d’un marché forfaitaire, le titulaire du marché n’a pas droit, en principe, à un supplément de prix. Le prix contractuellement défini est en effet censé couvrir toutes les charges liées à l’exécution du marché, y compris les prestations supplémentaires qui s’avèreraient nécessaires à sa bonne exécution (CAA Bordeaux, 22 juin 1998, Société des grands travaux de l’Océan Indien). Néanmoins, si les prestations supplémentaires résultent d’un ordre écrit et régulier de la collectivité publique contractante, le titulaire doit en être indemnisé.

La question est plus délicate si les prestations complémentaires sont réalisées à l’initiative de l’entreprise titulaire du marché. En principe, dès lors que son intervention est limitée à ce qui est prévu au contrat et à ce qui lui est prescrit par les ordres de service, le cocontractant ne peut être payé des prestations complémentaires qu’il a livrées ou exécutées de sa propre initiative. Depuis un arrêt du 17 octobre 1975 (CE, Commune de Canari, AJDA, 1975, p. 233), peuvent néanmoins être indemnisés les travaux « indispensables à la bonne exécution des ouvrages compris dans les prévisions du marché ». Seule l’opposition expresse du maître de l’ouvrage à la réalisation de ces travaux peut faire obstacle à leur paiement (CE, 2 juillet 1982, Société routière Colas, rec.  p. 21).

2)      L’aggravation des charges extérieures aux parties
Il s’agit là principalement de la mise en œuvre de la théorie des sujétions imprévues. Cette théorie est propre aux marchés de travaux publics. Toutefois, la rédaction de l’article 20 du code qui interdit de bouleverser l'économie du marché ou en changer l'objet « sauf sujétions techniques imprévues » pourrait être de nature à introduire la notion pour d'autres marchés que ceux de travaux.
 Les sujétions imprévues que le maître de l'ouvrage doit indemniser sont celles que le Conseil d'Etat interprète comme dépassant la commune intention des parties car elles impliquent l'utilisation de techniques plus onéreuses, ou entraînent des travaux supplémentaires indispensables de même nature (CE, 22 décembre 1976, Depussé, n° 94998, rec. p. 575). En pratique, il faut que l'économie du contrat soit bouleversée (CAA Paris, 5 mars 2002, Société générale des entreprises Quillery et Cie, n° 97PA02178).
Quant aux conditions, les sujétions doivent être :
-          exceptionnelles ;

-          imprévisibles ;

-          et extérieures aux parties (CE 30 juillet 2003, Commune de Lens, n° 223445).
Cette théorie permet d’obtenir un relèvement du prix du marché pour compenser le surcoût entraîné par les contraintes imprévues rencontrées par le titulaire du marché.

Les théories du fait du prince et de l’imprévision (CE, 30 mars 1916, Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux) peuvent également fonder l’indemnisation du cocontractant. Elles impliquent néanmoins que les conditions de leur mise en œuvre soient réunies.
La théorie du fait du prince constitue une hypothèse de responsabilité sans faute de l’administration tenue de réparer les conséquences dommageables de ses décisions et comportements dans l’exécution du contrat et qui ne pouvaient être prévues au moment de la conclusion de celui-ci. Le fait dommageable doit être une mesure de l'autorité contractante prise en tant que puissance publique et non un aléa purement économique. La mesure doit bouleverser l’économie du contrat. Si la mesure est prise par une autre personne morale, le dommage résulte d'une imprévision (CF infra). Si la théorie joue, l'indemnisation du cocontractant est intégrale (CE 23 janvier 1963, Société des alcools du Vexin, rec. p. 50).
L'imprévision, repose sur l'idée que des charges extracontractuelles de l'entreprise doivent être couvertes par l'administration afin d'assurer la continuité du service public.
Elle suppose plusieurs traits :
- un bouleversement de l'économie du contrat entraînant un déficit pour le cocontractant ;
- l'imprévisibilité des circonstances et du bouleversement ;
- l'extériorité du bouleversement, mais pas son irrésistibilité ;
- la possibilité de continuer l'exécution du contrat.
Lorsque ces circonstances sont réunies, l'administration est tenue d'indemniser le cocontractant quand bien même le prix du marché serait forfaitaire. S’agissant du montant de l’indemnité, celle-ci ne peut couvrir que les pertes, la charge étant considérée comme extracontractuelle car excédant ce qui était envisageable par les parties, et non le manque à gagner.



Chapitre 2 : L’exécution financière


Les relations financières entre l’acheteur public et le titulaire du marché se résument, pour l’essentiel, au règlement du prix qui manifeste, lorsque celui-ci est soldé, la fin des relations contractuelles. Mais avant d’en arriver à ce stade d’exécution du marché, chacune des parties a du, en amont, se donner les moyens financiers de lancer l’opération et, pour l’entreprise, d’y répondre. En aval du règlement du marché, l’administration doit libérer des garanties que son cocontractant a été contraint de constituer.

Section 1 : Le financement du marché

Le lancement d’un marché public implique, pour la collectivité publique, qu’elle dispose des crédits nécessaires au règlement des sommes que la conclusion et l’exécution de ce marché engendrent. Il est de ce fait nécessaire qu’en amont du marché la collectivité puisse mobiliser les financements et les inscrive à son budget. Parallèlement, l’entreprise qui se voit attribuer le marché doit, avant même de commencer à exécuter ses prestations, mobiliser des fonds lui permettant d’acquérir les matériaux ou matériels nécessaires à la réalisation de l’ouvrage ou à l’exécution des prestations. La question du financement du marché concerne donc autant l’acheteur public que son cocontractant.

§ 1 : Le financement du marché public par l’acheteur public

Une collectivité publique ne peut, à l’évidence, conclure un marché public si elle ne dispose pas des crédits nécessaires à la couverture des dépenses qu’il induit. Les sources du financement apparaissent alors de deux types. Il peut s’agir de ressources endogènes, c'est-à-dire de ressources que la collectivité tire de ses propres moyens et compétences. Mais il peut s’agir également de ressources exogènes, la collectivité faisant alors appel au soutien d’organismes qui lui sont extérieurs.

A-    Les financements endogènes

Il s’agit ici d’un financement strictement budgétaire. La collectivité publique puise dans ses ressources propres pour financer le marché. Ces ressources proviennent, pour l’essentiel, de l’impôt, mais également des redevances perçues sur les usagers des services publics gérés par la collectivité. A cela peuvent être ajoutées, s’agissant des collectivités locales, les subventions de l’Etat (dotation globale d’équipement, dotation globale de fonctionnement, dotation de solidarité urbaine) et les financements d’origine communautaire provenant notamment du fonds européen de développement régional.

Par ailleurs, en matière de comptabilité publique, le paiement d’une somme ne peut intervenir avant que la prestation due n’ait été réalisée. C’est la règle du paiement après service fait.

De plus, l’article 96 du code des marchés publics dispose qu’ « Est interdite l'insertion dans un marché de toute clause de paiement différé ». Cette prohibition vise à éviter ce qui pourrait constituer un endettement occulté des collectivités publiques.
Pourtant, il peut s’avérer utile de déroger à la règle du service fait pour permettre au titulaire de ne pas recourir seul par sa trésorerie à l’acquisition du matériel ou des matériaux nécessaires à la réalisation du marché. Aussi, les articles 87 à 90 du code des marchés publics fixent un système de versement d’avances.

1)      Les avances
Le régime des avances est fixé par l’article 87 du code : « I. - Une avance est accordée au titulaire d'un marché lorsque le montant initial du marché ou de la tranche affermie est supérieur à 50 000 Euros HT et dans la mesure où le délai d'exécution est supérieur à deux mois. Cette avance n'est due au titulaire du marché que sur la part du marché qui ne fait pas l'objet de sous-traitance.
Dans le cas d'un marché à bons de commande, comportant un montant minimum supérieur à 50 000 Euros HT, l'avance est accordée en une seule fois sur la base de ce montant minimum. Dans le cas d'un marché à bons de commande ne comportant ni minimum ni maximum, l'avance est accordée pour chaque bon de commande d'un montant supérieur à 50 000 Euros HT et d'une durée d'exécution supérieure à deux mois.
Dans le cas d'un marché à bons de commande, comportant un montant minimum supérieur à 50 000 Euros HT, passé en application des articles 7 et 8 et lorsque chaque service ou organisme procède lui-même au paiement des prestations qu'il a commandées, le marché peut prévoir que le régime de l'avance est celui qui relève des dispositions applicables aux marchés à bons de commande ne comportant ni minimum ni maximum.
Le titulaire peut refuser le versement de l'avance.
II. - Le montant de l'avance est fixé, sous réserve des dispositions du III du présent article et de celles de l'article 115 :
1° A 5 % du montant initial, toutes taxes comprises, du marché ou de la tranche affermie si leur durée est inférieure ou égale à douze mois ; si cette durée est supérieure à douze mois, l'avance est égale à 5 % d'une somme égale à douze fois le montant mentionné ci-dessus divisé par cette durée exprimée en mois ;
2° Dans le cas d'un marché à bons de commande comportant un montant minimum supérieur à 50 000 Euros HT, à 5 % du montant minimum si la durée du marché est inférieure ou égale à douze mois ; si cette durée est supérieure à douze mois, l'avance est égale à 5 % d'une somme égale à douze fois le montant minimum divisé par la durée du marché exprimée en mois ;
3° Dans le cas d'un marché à bons de commande ne comportant ni minimum ni maximum ou qui comporte un minimum et un maximum fixé en quantité, pour chaque bon de commande d'un montant supérieur à 50 000 Euros HT et d'une durée d'exécution supérieure à deux mois, à 5 % du montant du bon de commande si la durée prévue pour l'exécution de celui-ci est inférieure ou égale à douze mois ; si cette durée est supérieure à douze mois, l'avance est égale à 5 % d'une somme égale à douze fois le montant du bon de commande divisé par la durée prévue pour l'exécution de celui-ci exprimée en mois.
Le montant de l'avance ne peut être affecté par la mise en oeuvre d'une clause de variation de prix.
III. - Le marché peut prévoir que l'avance versée au titulaire du marché dépasse les 5 % mentionnés au II.
En tout état de cause, l'avance ne peut excéder 30 % des montants mentionnés au II.
L'avance peut toutefois être portée à un maximum de 60 % des montants mentionnés ci-dessus, sous réserve que le titulaire constitue une garantie à première demande conformément aux dispositions de l'article 90.
Le taux et les conditions de versement de l'avance sont fixés par le marché. Ils ne peuvent être modifiés par avenant.
IV. - Les dispositions du présent article s'appliquent aux marchés reconductibles, sur le montant de la période initiale et aux marchés reconduits, sur le montant de chaque reconduction.
V. - Le marché peut prévoir le versement d'une avance dans les cas où elle n'est pas obligatoire
 ».
Cet article doit être lu à la lumière des dispositions du plan de relance de l’économie[16], et de la circulaire du Premier Ministre du 19 décembre 2008, en pratique le régime des avances est le suivant :

a- Pour l’Etat et ses établissements publics nationaux :

Pour les marchés en cours d’exécution d’un montant compris entre 20 000 € HT et 50 000 € HT, et dont le délai d’exécution ne dépasse pas deux mois, si l’entreprise en fait la demande, le versement obligatoire de l’avance est de 20 % minimum ou d’un complément pour atteindre ce taux avec effet rétroactif[17].

Pour les marchés en cours d’exécution d’un montant compris entre 20 000 € HT et 50 000 € HT, et dont le délai d’exécution est supérieur à deux mois, si l’entreprise en fait la demande, le versement obligatoire de l’avance est de 20 % minimum ou d’un complément pour atteindre ce taux avec effet rétroactif.

Pour les marchés en cours d’exécution d’un montant supérieur à 50 000 € HT, dont le délai d’exécution ne dépasse pas deux mois, si l’entreprise en fait la demande, le versement obligatoire de l’avance est de 20 % minimum ou d’un complément pour atteindre ce taux avec effet rétroactif.

Pour les marchés en cours d’exécution d’un montant supérieur à 50 000 € HT dont le délai d’exécution dépasse deux mois, si l’entreprise en fait la demande, le versement obligatoire d’un complément pour atteindre les 20 % avec effet rétroactif.

Pour les marchés à venir[18], le montant de l’avance est de 20% du montant du marché, quelque soit sa durée d’exécution et son montant[19].

b- Pour les collectivités locales et les établissements publics locaux

Pour les marchés en cours d’exécution d’un montant compris entre 20 000 € HT et  50 000 € HT, dont le délai n’excède pas deux mois, l’entreprise, à sa demande, bénéficie du versement facultatif d’une avance ou d’un complément rétroactif.

Pour les marchés en cours d’exécution d’un montant compris entre 20 000 € HT et  50 000 € HT, dont le délai d’exécution excède deux mois, l’entreprise, à sa demande, bénéficie du versement facultatif d’une avance ou d’un complément rétroactif.

Pour les marchés en cours d’exécution d’un montant supérieur à 50 000 € HT avec un délai d’exécution n’excédant pas deux mois, l’entreprise, à sa demande, bénéficie du versement facultatif d’une avance ou d’un complément rétroactif.

Pour les marchés en cours d’exécution d’un montant supérieur à 50 000 € HT, avec un délai d’exécution excédant deux mois, l’entreprise, à sa demande, bénéficie du versement facultatif d’un complément rétroactif.

Pour les marchés à venir d’un montant compris entre 20 000 € HT et  50 000 €HT, dont le délai d’exécution n’excède pas deux mois, le versement d’une avance revêt un caractère facultatif.

Pour les marchés à venir d’un montant compris entre 20 000 € HT et  50 000 €HT, dont le délai d’exécution excède deux mois, le versement d’une avance revêt un caractère facultatif.

Pour les marchés à venir d’un montant supérieur à 50 000 €HT, avec un délai d’exécution  n’excédant pas deux mois, le versement d’une avance revêt un caractère facultatif.

Pour les marchés à venir d’un montant supérieur à 50 000 €HT, avec un délai d’exécution  excédant deux mois, le pouvoir adjudicateur à l’obligation de verser une avance d’un montant de 5% minimum.

Leurs conditions de versement, la détermination de leur montant et les modalités de leur remboursement obéissent à des règles strictes (article 88 et suivants du code).


2)      Les acomptes
L’article 91 du code des marchés publics dispose : « Les prestations qui ont donné lieu à un commencement d'exécution du marché ouvrent droit à des acomptes.
Le montant d'un acompte ne peut excéder la valeur des prestations auxquelles il se rapporte.
La périodicité du versement des acomptes est fixée au maximum à trois mois. Lorsque le titulaire est une petite ou moyenne entreprise au sens de l'article 48, une société coopérative ouvrière de production, un groupement de producteurs agricoles, un artisan, une société coopérative d'artisans, une société coopérative d'artistes ou une entreprise adaptée, ce maximum est ramené à un mois pour les marchés de travaux. Pour les marchés de fournitures et de services, il est ramené à un mois à la demande du titulaire
 ».
A la différence du versement d’avances, les acomptes constituent un mode de règlement du prix du marché dans la mesure où ils font suite à un commencement d’exécution des prestations. L’acompte ne doit pas excéder la valeur des prestations auxquelles il se rapporte car l’acompte rémunère un service fait. Le versement des acomptes est un droit.

Dans les marchés de travaux[20], c’est à l’entrepreneur qu’incombe la présentation au maître d’œuvre d’un projet de décompte pour le paiement des acomptes. Le maître d’œuvre procède à sa vérification et en déduit le cas échéant des pénalités de retard. Une fois vérifié, corrigé et accepté, le projet de décompte devient le décompte mensuel sur la base duquel le paiement de l’acompte peut être effectué. Le décompte fait ainsi apparaître le montant de l’acompte, l’effet de l’actualisation, le montant de la TVA et le montant de l’acompte total à régler. Le décompte mensuel doit être notifié à l’entrepreneur par ordre de service.

Compte tenu de l’étroitesse des marges de manœuvre dégagées par ces financements exogènes, les collectivités publiques sont contraintes, notamment pour les opérations d’envergure, de se tourner vers les financements exogènes.


C-    Les financements exogènes

Le particularisme des acheteurs publics, notamment le fait que les voies d’exécution ne puissent être utilisées à leur encontre, justifie une adaptation du droit cambiaire aux spécificités des collectivités publiques. Depuis les lois de décentralisation, les collectivités locales ont la possibilité d’emprunter à l’établissement bancaire de leur choix, à des taux qu’elles sont libres de négocier.


§ 2 : le financement bancaire du marché public

Pour pouvoir exécuter un marché public dans des conditions financières satisfaisant, les entreprises doivent pouvoir bénéficier de soutiens bancaires facilement mobilisables.

Le bordereau de cession de créances professionnelles est un écrit par lequel une personne, le cédant, transfère à un établissement de crédit, le cessionnaire, la propriété de créances professionnelles déterminées afin de garantir un crédit consenti au cédant par le cessionnaire.

La loi du 2 janvier 1981 dite « loi Dailly » a institué ce mécanisme de mobilisation des créances. Rencontrant peu de succès, certaines améliorations lui ont été apportées par la loi bancaire du 24 janvier 1984. Ces lois ont été codifiées aux articles L. 313-23 (« Tout crédit qu'un établissement de crédit consent à une personne morale de droit privé ou de droit public, ou à une personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle, peut donner lieu au profit de cet établissement, par la seule remise d'un bordereau, à la cession ou au nantissement par le bénéficiaire du crédit, de toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers, personne morale de droit public ou de droit privé ou personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle ») et suivants du code monétaire et financier.

Dès lors, la remise du bordereau Dailly du cédant au cessionnaire permet de réaliser une cession ou un nantissement. Nous n’envisagerons ici que la question de la cession d’une créance d’une personne privée à l’encontre d’une personne publique selon les modalités de la loi Dailly. Nous n’aborderons donc que la cession à titre d’escompte. Dans cette hypothèse, le banquier avance au cédant le montant des créances dont la propriété lui est transférée et dont le paiement contribuera à assurer le remboursement. Les créances cédées sont précisément celles dont le montant est avancé.

Initialement, le législateur avait prévu la possibilité de céder une créance née de rapports juridiques avec une personne publique. Les entreprises se sont pourtant heurtées à l’opposition de l’administration à faire droit aux cessions Dailly. Néanmoins, le principe de l’application de ladite cession aux créances administratives a été clairement admis.

A la suite de l’adoption de la loi Dailly, les entreprises titulaires de créances sur des personnes publiques ont voulu utiliser ce système de mobilisation.

Cependant l’administration a refusé l’application du mécanisme aux créances administratives. Les comptables publics refusaient systématiquement les notifications de cession faites dans les formes instituées par la loi du 2 janvier 1981. Ils invoquaient, à l’appui de leur refus, le fait qu’aucune disposition n’organisait expressément cette cession en droit administratif. Cependant, ce refus n’était guidé par aucun principe général dirimant.

Or, en droit administratif, dans le silence des textes, il n’existe aucun principe qui justifierait un refus tacite de la cessibilité des créances publiques.

Malgré ce refus de principe de la part de l’administration, la jurisprudence n’a pas tardé à admettre la possibilité de céder une créance de nature administrative par bordereau Dailly.

Le Tribunal administratif de Versailles[21] a considéré qu’« Il résulte des termes mêmes de la loi ainsi que des travaux préparatoires que le législateur a entendu faciliter les procédures de cession et de nantissement avec une personne morale de droit public ; qu’ainsi la loi s’applique à l’ensemble des créances professionnelles susceptibles d’être détenues sur une personne publique ».

Cette solution a été confirmée par la Cour administrative d’appel de Paris dans un arrêt en date du 26 septembre 1991[22].

Qui plus est, le Conseil d’État a, dans un arrêt du 7 avril 2004[23], affirmé que « La cession Dailly ne se limite pas aux créances de nature contractuelle ». En conséquence, force est de reconnaître qu’aucun principe d’incessibilité des créances publiques n’a été mis en exergue. Aucun texte ni aucune décision juridictionnelle n’a consacré un tel principe général. Ces décisions s’appliquent donc de façon générale.

Désormais, les articles 106 et suivants du code des marchés publics organisent le régime des cessions issues des marchés publics.

Le droit administratif impose le respect de certains principes s’agissant des modalités d’exercice de la cession par bordereau Dailly d’une créance résultant d’un acte administratif.

En outre, les modalités de mise en œuvre d’une telle cession sont susceptibles d’être aménagées eu égard à la nature publique de la créance concernée.

Le but du législateur était d’instaurer un mécanisme de cession de créance assorti d’un formalisme minimum afin de faciliter la mobilisation.

L’article L. 313-23 du code monétaire et financier dresse donc la liste des mentions obligatoires devant figurer sur le bordereau de cession : dénomination de l’acte, mention que l’acte est soumis aux dispositions de la loi Dailly, nom ou dénomination sociale de l’établissement de crédit bénéficiaire, désignation ou individualisation des créances cédées ou des éléments susceptibles d’effectuer cette désignation ou cette individualisation.

La jurisprudence administrative applique avec une certaine rigueur ces dispositions. Ainsi, la Cour administrative d’appel de Paris[24] a jugé que dans la mesure où un acte de cession ne comportait aucune des mentions imposées par l’article 1er de la loi de 1981, « la cession de créance concernée relevait donc des dispositions de l’article 1690 du Code civil ».

En revanche, lorsqu’une mention ne figure pas dans la liste dressée dans l’article L. 313-23 du code monétaire et financier, le juge administratif est plus souple sur les effets de son omission. Il a considéré que le fait que le bordereau Dailly ne comportait pas la date de la cession dans le cadre réservé à cet effet pour le cessionnaire, mais apposée au-dessus de la signature du cédant, n’avait pas pour effet de l’entacher d’irrégularité[25].

L’article L. 313-28 du code monétaire et financier dispose que « L’établissement de crédit peut, à tout moment, interdire au débiteur de la créance cédée ou nantie de payer entre les mains du signataire du bordereau. A compter de cette notification, le débiteur ne se libère valablement qu’auprès de l’établissement de crédit ».

La notification du bordereau correspond donc à une interdiction de payer entre les mains du cessionnaire. Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 19 mars 2001[26], a d’ailleurs affirmé qu’à partir du moment où une cession de créance avait été notifiée à la personne publique, celle-ci ne pouvait plus se libérer valablement de sa dette, à compter de la date de notification, qu’auprès de l’établissement de crédit. A compter de la notification, la personne publique devient débitrice du cessionnaire. Pour autant, la procédure de notification à la personne publique de la cession présente des difficultés.

En effet, la loi Dailly autorise la cession de créances résultant d’actes à intervenir. La loi de 1984 a précisé que la cession pouvait porter sur des créances à terme, mais dont le montant et l’exigibilité ne sont pas encore déterminés. Néanmoins, les créances doivent présenter un caractère de probabilité suffisant.

L’application de cette possibilité pourrait se heurter au principe du « service fait ». Selon cette théorie, les opérations d’ordonnancement et de paiement ne sont autorisées qu’au vu de la réalisation des prestations ou des conditions incluses dans l’acte.

La situation de l’Etat débiteur se caractérise par sa complexité juridique. Elle trouve sa source dans une obligation légale, contractuelle ou délictuelle, mais se résout en une opération de dépense publique, de sorte qu’elle participe d’une part du droit des obligations et que d’autre part elle est soumise aux règles d’exécution du budget.

En matière de cession de créance, c’est le principe de séparation des ordonnateurs et des comptables, principe fondamental de la comptabilité publique, qui soulève des difficultés pratiques.

Comme nous l’avons vu, la notification interdit au débiteur cédé de se libérer dans d’autres mains que celles du cessionnaire : elle correspond à une interdiction de payer, ce qui justifie qu’elle soit faite auprès du comptable public.

En effet, les missions du comptable public sont définies par les articles 11, 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962. Il a ainsi l’obligation :

-          de prendre en charge et recouvrer les recettes des organismes publics, de payer les dépenses, d’assurer la conservation des fonds et valeurs dont les organismes publics sont dépositaires, d’assurer le maniement des fonds, de tenir la comptabilité relative aux opérations effectuées, de conserver les pièces justificatives des opérations exécutées ;

-          ils doivent, également, exercer un contrôle de régularité des ordres de recettes et de dépenses qui sont émis par les ordonnateurs.

Le juge administratif a voulu atténuer les rigueurs des règles de la comptabilité publique en consacrant des solutions favorables au cessionnaire.

La Cour administrative d’appel a ainsi admis qu’il pesait sur l’ordonnateur une obligation de transmission de la notification au comptable[27]. Cette solution a fait l’objet d’importantes critiques dans la mesure où la solution retenue par la Cour administrative d’appel ne s’appuyait sur aucun fondement textuel.

Néanmoins, cette solution, posée de façon prétorienne, a l’avantage de simplifier les procédures administratives Il ne paraît pas choquant d’imposer aux services d’une même administration d’assurer une certaine coordination entre eux. Le refus peut se produire lorsque l’ordonnateur estime que les conditions incluses dans l’acte ne sont pas réalisées. A l’inverse, l’établissement de crédit, cessionnaire et propriétaire de la créance, peut soutenir que les conditions permettant l’ordonnancement de la dette sont bien remplies et sollicité, à ce titre, le paiement. Dès lors, le contentieux porte sur les conditions incluses dans un acte de droit public qui emporte la compétence de la juridiction administrative.
Aujourd’hui, le code impose par son article 107 que « Le bénéficiaire d'une cession ou d'un nantissement de créance au titre d'un marché public notifie ou signifie cette cession ou ce nantissement au comptable public assignataire. Ce bénéficiaire encaisse seul, à compter de cette notification ou signification au comptable, le montant de la créance ou de la part de créance qui lui a été cédée ou donnée en nantissement ».

Section 2 : Le règlement des marchés publics

Le comptable public est chargé, au vu du mandat qui lui a été transmis par l’ordonnateur, de payer le marché. Mais il est tenu de s’assurer, avant de payer, que la dépense est régulière. Il dispose pour cela des pièces justificatives que lui a transmises l’ordonnateur. Les articles 91 et suivants du code des marchés publics organisent le régime spécifique des paiements des marchés.

§ 1 : Le régime des paiements prévu par le code des marchés publics

Il est réglementé par les articles 92 et suivants du code des marchés publics.
Notamment, l’article 96 dispose qu’ « Est interdite l'insertion dans un marché de toute clause de paiement différé ».
En revanche, il est possible de prévoir un paiement échelonné. Par exemple, si le marché prévoit l’échelonnement dans le temps des phases successives d’exécution, le paiement échelonné du marché est autorisé, mais à deux conditions. Il faut d’abord que le marché prévoie les dates de paiement avant lesquelles aucune créance ne peut devenir exigible, ni aucun intérêt moratoire commencer à courir. Il faut, d’autre part, que le montant des versements échelonnés corresponde au coût des prestations réellement exécutées.
S’agissant des délais de paiement, l’article 98 prévoit que « Le délai global de paiement d'un marché public ne peut excéder :
1° 30 jours pour l'Etat et ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial et autres que ceux mentionnés au 3° ;
2° 45 jours pour les collectivités territoriales et les établissements publics locaux autres que ceux mentionnés au 3°
Ce délai est ramené à :
a) Quarante jours à compter du 1er janvier 2009 ;
b) Trente-cinq jours à compter du 1er janvier 2010 ;
c) Trente jours à compter du 1er juillet 2010.
3° 50 jours pour les établissements publics de santé et les établissements du service de santé des armées 
».
Le dernier alinéa de l’article fixe une sanction en cas de non respect du délai global de paiement : « Le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant, le bénéfice d'intérêts moratoires, à compter du jour suivant l'expiration du délai »[28].
L’article 45 du décret n° 2008-1355 du 19 décembre 2008 de mise en œuvre du plan de relance économique dans les marchés publics précise que ces nouveaux délais sont applicables aux marchés dont la procédure de consultation est engagée ou dont l’avis d’appel public à la concurrence est envoyé à la publication :

-          à compter du 1er janvier 2009 et jusqu’au 31 décembre 2009 en ce qui concerne les dispositions du a) ;

-          à compter du 1er janvier 2010 et jusqu’au 30 juin 2010 en ce qui concerne les dispositions du b) ;

-          à compter du 1er juillet 2010 en ce qui concerne les dispositions du c).

Les modalités de calcul du point de départ du délai global de paiement,  les intérêts moratoires et les modalités d’intervention du comptable public sont réglementés par le décret n° 2002- 32 du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics.

 2 : Les modalités de paiement

Le paiement des sommes dues par l’administration à un de ses créanciers, titulaire d’un marché ou sous-traitant est, en générale, opéré par virement bancaire. C’est le comptable qui effectue le virement, le Trésor public créditant ensuite le compte bancaire de l’entreprise.

La compensation reste le seul moyen alternatif de paiement des marchés publics. Le Code civil définit la compensation comme le moyen, pour deux personnes qui se trouvent débitrices l’une envers l’autre, d’opérer une extinction réciproque des dettes à concurrence de leur quotité respective (articles 1289 et 1290 du Code civil). Dès lors qu’elle remplit certaines conditions, la compensation peut valablement être utilisée par les personnes publiques pour apurer les dettes et les créances nées d’un marché public. Les deux conditions sont les suivantes. Les créances doivent, d’une part, être certaines, liquides et exigibles (CE, 8 février 1989, OPAC de Meurthe-et-Moselle, rec. p. 784). Les dettes et les créances sur lesquelles porte la compensation doivent, d’autre part, être de même nature, c'est-à-dire trouver leur source dans un acte de même nature, contrat ou obligation fiscale par exemple (CE, 22 juin 1987, Commune de Rambouillet c/ Van de Maele, rec.  p. 625). L’ordonnateur n’a jamais l’obligation de relever la compensation. Le comptable, en revanche, ne peut pas renoncer à l’opposer. Il s’agit au demeurant d’un moyen qui lui permet, lorsqu’une créance n’est pas recouvrée, de limiter sa responsabilité pécuniaire. En pratique, compte tenu des conditions de mise en œuvre de ce système, ce moyen est très peu usité par les acheteurs publics.


[1] Néanmoins, une cour d’appel a jugé que le paiement de factures émises par le cessionnaire vaut accord tacite, CAA, Paris 23 mars 2005, Société Sita Île-de-France, n° 00PA01867.

[2] Par exemple, un raz de marée qui a provoqué l’effondrement d’une digue et du remblai construit en vue de l’extension de l’aéroport de Nice, CE, 11 décembre 1991, SARL niçoise pour l’extension de l’aéroport, rec. p. 430.
[3] Article 19.12 du CGAG Travaux.
[4] Article 19.11 du CCAG Travaux.
[5] CF l’article 15.4 du CCAG travaux.
[6] En cas de sujétions techniques imprévues une décision de poursuivre peu intervenir quel qu’en soit le montant, CF article 20 du code des marchés publics, supra .
[7] Article 2.51 du CCAG travaux : « Les ordres de service sont écrits ; ils sont signés par le maître d'oeuvre, datés et numérotés. Ils sont adressés en deux exemplaires a l'entrepreneur ; celui-ci renvoie immédiatement au maître d'oeuvre l'un des deux exemplaires après l'avoir signé et y avoir porté la date à laquelle il l'a reçu ».

[8] Article 2.52 CCAG Travaux.
[9] Article 5 CCAG Travaux.
[10] Sur la question des pénalités : CF 2§ B, supra.
[11] Article 20.1 du CCAG Travaux.
[12] Article 20.3 du CCAG Travaux.
[13] Article 37.3 du CCAG Travaux.
[14] Article 49.1 du CCAG travaux.
[15] Article 15.1 du CCAG Travaux.
[16] Décret n° 2008-1355 du 19 décembre 2008 de mise en œuvre du plan de relance économique dans les marchés publics. Les dispositions s’appliquent aux marchés en cours d’exécution le 21/12/2008 ou notifiés au plus tard le 31/12/2009. La notion de « marché en cours d'exécution » s'entend d'un marché dès lors qu'il est notifié.
[17] Cette obligation ne concerne que les marchés inférieurs à 5 millions d’euros HT. Pour les marchés d’un montant supérieur à ce seuil, il ne s’agit que d’une simple faculté. Le versement de l’avance avec un caractère rétroactif s’applique aux marchés en cours d’exécution à la date d’entrée en vigueur du décret ou notifiés au plus tard le 31/12/2009. Il suppose la passation d’un avenant afin de modifier les conditions initiales de versement de l’avance et de bénéficier des dérogations accordées par le décret. Le taux de l’avance minimum était de 5%.
[18] Comprendre, dont la procédure de consultation n’a pas encore été engagée.
[19] Avec la réserve pour les marchés d’un montant supérieur à 5 millions d’euros HT évoquée précédemment.
[20] CF articles 11 et 13 du CCAG travaux.
[21] TA Versailles, 17 novembre 1983, La Banque de l’entreprise
[22] CAA Paris, 26 septembre 1991, Etablissement public du parc de la Villette
[23] CE, 7 avril 2004, Commune de Cabourg, rec. p 354.
[24] CAA Paris, 28 avril 1992, Banque Française Antilles-Guyane, AJDA, 1993, p 137
[25] CAA Paris, 26 septembre 1991, Etablissement public du parc de la Villette, précit.
[26] CE, 19 mars 2001, Région Provence – Alpes-Côtes d’azur, Contrats et marchés publics, 2001, n°97
[27] CAA Paris, 9 juillet 1992, Banque Hervet, Dr. adm., avril 1995, p. 6
[28] Pour les modalités d’application, CF article 5 du décret n°2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics.